Page:Le Tour du monde - 17.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cevront dans la route protection contre tous ceux qui voudraient les maltraiter.

Art. 7. Tous les marchands venant du Sénégal dans un pays où commande Ahmadou, payeront le droit d’entrée dans le chef-lieu qui sera le but de leur voyage, Dinguiray, Koundian, Mourgoula, Kouniakary, Nioro, Diala, Tambacara, Diangounté, Farabougou ou Ségou Sikoro.

Ce traité fut conclu en paroles le 26 février ; les articles 5 et 6 avaient été convenus sur la demande expresse d’Ahmadou, qui voulait conserver la faculté de faire venir des Talibés du Fouta et d’y envoyer ses agents recruteurs, et l’article 2, avec la mention aléatoire des pays où il pourrait dominer plus tard, avait été libellé par lui. Le brouillon du texte était fait. Je proposai au roi de le remettre de suite au net, lui en arabe, moi en français. Mais alléguant l’heure avancée, il me dit de rentrer préparer cela chez moi, qu’il allait en faire autant de son côté, et le palabre fut levé.

Le lendemain, j’envoyai prévenir Ahmadou que j’étais prêt ; mais Samba N’diaye, mon intermédiaire, fut remis à l’après-midi, et alors, quand il dit que je demandais à partir, de nouveaux délais furent invoqués, de nouveaux motifs d’ajournement me furent opposés ; bref, des semaines et des mois s’écoulèrent et j’étais toujours à Ségou.

À cette époque, après avoir espéré, puis douté, je ne croyais déjà plus à l’existence d’El Hadj, et le docteur y croyait encore bien moins.


Femmes du Macina. — Dessin de Émile Bayard d’après l’album de M. Mage.

Depuis longtemps nous avions eu de vrais détails sur les affaires du Macina, par Déthié N’diaye, l’un de nos meilleurs hommes, qui s’était marié à Ségou. Avec la facilité qu’offrent à cet égard les usages musulmans, il avait donné à sa femme un pagne pour se couvrir le corps, un bourtougueul pour orner sa tête, puis on avait été devant un marabout qui, moyennant cent cauris, avait consacré cette union qui devait se rompre à notre départ, Ahmadou ne permettant pas l’exportation des femmes. Il lui était né un enfant qui devait grossir un jour les rangs des Talibés, et ce n’était pas le seul de nos laptots qui fût dans cette condition.

Dans la case même de sa femme logeait une autre femme arrivée depuis assez longtemps du Macina d’où elle était venue à Sansandig avec une épouse d’El Hadj. Une pirogue les avait ensuite déposées à Soninkoura. Elles avaient été remises à Oulibo. Quand Ahmadou l’apprit, il fut tellement furieux de ce qu’on n’eût pas retenu pirogue et piroguiers, qu’il fit mettre Oulibo aux fers, dans sa propre maison, pendant huit jours, et il refusa de recevoir la femme de son père. La compagne ou la suivante de celle-ci resta séquestrée encore toute une année ; enfin on la laissa sortir en lui recommandant de ne pas parler. Mais peu à peu un mot fut dit, puis un autre, et l’on sut ce qu’elle avait vu. En rapprochant ses rapports d’autres informations, je pus me faire des événements du Macina l’idée suivante :

El Hadj avait expédié une grande armée pour Tombouctou sous les ordres d’Alpha Oumar. Cette armée arrivée devant la ville la trouva déserte de ses défenseurs, s’en empara, y ramassa un grand butin et se mit en route pour revenir ; mais elle rencontra sur son chemin tout un pays révolté à la voix de Balobo, et des chefs dissidents du Macina, ainsi qu’à celle de Sidy, fils de