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file de jardins verdoyants, ombragés de dattiers, constellés des grandes fleurs du grenadier : de distance en distance, de rustiques norias d’arrosage, mises en mouvement par deux maigres chevaux, dressent leurs longs sacs de cuir et leur bizarre charpente, quelques fermes isolées, deux bourgades arabes aux murailles grises, pointent derrière les palmiers : c’est le paysage le plus doux et le plus vivant à deux pas de la solitude la plus désolée : jamais contraste ne fut plus nettement accusé.


Le Tigre près de Djebar. — Dessin de A. de Bar d’après un croquis de M. G. Lejean.

Cependant notre petite caravane a quitté les bords du fleuve et s’est engagée dans une sorte de large avenue, entre deux longs massifs de palmiers enclos de murs de pierre qui tombent partout en ruines. Au milieu de l’avenue débouche un cortége nombreux, digne du pinceau de Diaz : c’est le mudir de Hillé qui, averti de notre arrivée par le télégraphe, est venu au-devant de nous à cheval, suivi de ses zaptiés, tous bien montés, et d’une foule de curieux aux vêtements pittoresques, dont un éclatant soleil fait encore mieux ressortir les couleurs variées. Il n’y a que les Orientaux pour résoudre ce problème, de couleurs tranchantes et voyantes en même temps qu’assorties : jamais une fausse note dans leur gamme de tons : ces barbares ont certaines élégances innées.


Le Tigre près de Hamrin (voy. p. 50). — Dessin de A. de Bar d’après un croquis de M. G. Lejean.

Le salam échangé, nous nous remettons en route : nous traversons un magnifique rond-point où viennent aboutir cinq avenues vraiment monumentales (quoi de plus monumental que le palmier !) : nous franchissons successivement un petit faubourg, un pont de bateaux sur l’Euphrate, un bazar fort animé, et l’aimable mudir ne nous quitte que chez notre hôte, un négociant juif, correspondant de la maison Weber, de Bagdad, qui nous a adressés à lui : nous trouvons chez ces bonnes gens une hospitalité gracieuse et empressée. La maison est spacieuse, le selamlik ou salon d’honneur est une vaste galerie au premier étage, et noue en prenons possession.

Guillaume Lejean.

(La suite à la prochaine livraison.)