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Laitière et flotteurs à outre (voy. p. 50). — Dessin de A. de Neuville d’après M. G. Lejean.


VOYAGE DANS LA BABYLONIE,


PAR M. GUILLAUME LEJEAN.


1866. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


I


Départ de Mossoul. — Un kelek. — Les naïades de Tekrit. — Antiquités : le mur de Médie : Opis : Samara. — Un souvenir de l’empereur Julien. — Arrivée à Bagdad.

Après avoir consacré à l’Assyrie, représentée par le moderne Kurdistan, les trois semaines dont je pouvais disposer et qui m’avaient été fructueuses, puisqu’elles m’avaient permis de voir Amediah, les romantiques vallées des Nestoriens, les ruines si imposantes éparses autour de Zachou, enfin le champ de bataille d’Arbelles, qui ne parle pas moins aux yeux qu’à l’imagination, — je me décidai à descendre sur Bagdad et la Babylonie, ma route naturelle pour me rendre dans le golfe Persique. J’avais à choisir entre la route de terre, par Kerkouk et le désert infesté par les Kurdes et les Arabes, et le Tigre, que je pouvais descendre commodément en radeau. J’optai d’autant plus volontiers pour ce dernier parti, que les rares curiosités qu’on peut voir par la route de terre avaient reçu depuis un siècle la visite de plus d’un voyageur.

Je me préparai, en conséquence, à profiter d’un kelek en partance pour prendre place à son bord. Le kelek n’est pas exactement défini par le mot de radeau : c’est un mode particulier de transport connu sur le long du Tigre depuis quelque trois mille ans, et dont on peut trouver dans Hérodote une description qui s’appliquerait au temps présent. L’immobile Orient offre à chaque pas de ces ressemblances, et l’antiquité y est aisée à commenter sur place.

Voici donc ce qu’est un kelek.

Un marchand qui va de Diarbekir à Mossoul ou de Mossoul à Bagdad se fabrique un radeau soutenu par une couche d’outres gonflées, en nombre proportionné au poids que le radeau doit supporter. Sur le plancher du radeau, il entasse ses marchandises, et dresse parmi les ballots une cabine en planches ou une simple tente pour lui-même ou pour quelque passager de qualité : puis il part en suivant le fil de l’eau, et s’arrêtant ordinairement la nuit (surtout si le pays est sûr) à l’endroit où le coucher du soleil le surprend. Il n’y a guère que les gens pressés qui voyagent la nuit au clair de lune. Arrivé à destination, le kelek est dépecé, les outres dégonflées sont reprises par le marchand qui retourne chez lui à dos de chameau, et le bois se vend avantageusement, car s’il est à bon marché dans le haut du fleuve, il est cher à Mossoul et plus encore à Bagdad.

Je trouvai facilement ce qu’il me fallait ; je me fis fabriquer à mes frais une cabine en bois blanc, en sus du prix que je payai au propriétaire du kelek, et, ayant pris congé de mes aimables hôtes de Mossoul, M. le