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ces sortes d’écussons circulaires qui se remarquent au-dessus des moindres statues. Tous ces ornements en stuc sont très-espacés entre eux ; je n’ai vu nulle part de conduit pour les préserver des dégradations de la pluie, si ce n’est que le stuc est poli dans toutes les parties où l’eau pourrait séjourner. Ce manque de précautions diminue beaucoup la durée de ces figures, et celles que j’avais vues en bon état, presque neuves et avec leurs couleurs brillantes en 1838, étaient déjà déteintes, défigurées, éboulées en partie lors de ma seconde visite ; elles étaient presque dans l’état de la porte dont j’ai pu faire le dessin en 1838.

À cette époque, les quatre gombroons étaient à des degrés différents de vétusté ; celui du sud était complétement achevé, mais sans une seule figure ; les briques étaient empilées et disposées de diverses manières représentant le dessous de la construction, telles que les niches, les colonnes, les voûtes ; celui de l’ouest, réparé depuis peu, était complet, tous ses personnages étaient distincts, avaient leurs couleurs et celles des imitations de bijoux distribuées de toutes parts avec profusion. J’ai toujours regretté de n’avoir pas eu le temps de dessiner cette porte : il aurait fallu bien des heures pour suivre ces mille détails et pour noter une pareille variété de couleurs. Là se trouvait tout l’Olympe indien : Brahma avec ses cinq têtes et ses quatre bras, tenant dans une de ses mains un rouleau de papier et assis avec une jambe pendante et l’autre sous le corps ; Vichnou, de couleur bleue et assis sur les replis d’un serpent dont les cinq têtes le couvrent comme un dais ; Çiva, blanc, livide, avec la tête hideuse dont je viens de parler. Parmi les statues sont les nombreuses incarnations de Vichnou, lorsqu’il se transforme en poisson, en tortue, lorsqu’il a des flammes sur la tête. D’autres divinités ont des trompes d’éléphant,
Pagode de Chillambaran : Chapelle du Taureau sacré (no 44 du plan). — Dessin de H. Clerget d’après un dessin du contre-amiral Paris.
l’une d’elles est montée sur un perroquet. Il y en a qui ont cinq et jusqu’à dix têtes et de quatre jusqu’à dix-huit bras, tenant tous des armes ou des symboles ; les unes sont noires, rouges, vertes, bleues ; quelques-unes couleur de chair. Toutes ces statues ont leur tête couverte d’une mitre pointue, quelquefois à plusieurs étages, peinte en or ou en couleurs jouant les nuances des pierres précieuses ; toutes ont plusieurs bracelets au-dessus du coude comme au poignet et aux chevilles des pieds, ainsi que des grandes boucles non-seulement au lobe, mais sur tout le pourtour de l’oreille. Les femmes n’ont généralement pas de symboles et de bras multipliés comme les dieux, cependant plusieurs portent la mitre ; elles ont le costume actuel, c’est-à-dire la petite veste courte et la pièce d’étoffe tournée autour du corps et partant d’une hanche pour couvrir la poitrine en passant par dessus l’épaule opposée. Elles ont de ces grands anneaux ornés de pierreries que les femmes actuelles portent dans les narines, et souvent la pierre verte dont l’anneau passe dans la cloison du nez et pend sur la gouttière nasale.

L’étude de cette porte eût été un cours de théogonie indoue ; mais elle aurait exigé une gravure d’un format bien plus grand que celui du Tour du Monde, et, pour en donner une idée, j’ai dû me borner à représenter une petite pyramide, toute neuve, qui en est comme la miniature. Elle est située dans la cour de la pagode de Pondichéry ; ses figures sont faciles à distinguer, et pour apprécier suffisamment d’après elle les détails de celle de Chillambaran, on n’aura qu’à se figurer la différence de proportions existant entre cinquante mètres et six ou huit, entre le nombre de figures qui couvrent cette pyramide et les milliers qui hérissent les faces de celle de Chillambaran. On aura peut-être ainsi une idée de l’immensité du travail de détail de ces parties exposées aux yeux du public. Jadis des boules de cuivre toujours brillantes formaient des ceintures autour de ces pyramides et brillaient au soleil ; on avait