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teau. La pierre de la colonne est plus blanche que les autres ; ce n’est cependant pas du marbre. Les voûtes des quatre grandes portes diffèrent très-peu de style et d’ornements, seulement on voit par la couleur de la pierre et par des détériorations qu’il y en a de plus anciennes les unes que les autres. Quand on examine de près ce travail, comme celui de toutes les autres parties de la pagode, on trouve que la main-d’œuvre a dû coûter encore plus de temps et de peine que le transport des matériaux, pour qu’il ait été possible de les entasser de la sorte. Toutes les sculptures sont soignées, les arêtes des saillies comme des creux sont vives et nettes. Certes nos ouvriers sculpteurs ne pourraient s’empêcher d’admirer la perfection de ces travaux. La pierre employée est généralement grise tirant sur le bleu, comme le granit de Kersanton, qu’on a extrait des bords de la mer en Bretagne pour en faire le socle de notre obélisque de Lougsor, mais le grain en paraît plus fin et plus serré que celui de notre granit bleu. Les sculptures grossières et les pierres de bâtisse sont en granit un peu jaune, de même que les grandes pierres verticales. Je n’ai remarqué dans cette pagode, non plus que dans celles de Vilnour, de Pondichéry, de Trévicaré et de Moolivaram, aucune pierre qui ressemble au marbre. Enfin des deux côtés de la porte dont j’ai dessiné l’intérieur, c’est-à-dire celle du sud, se trouvaient deux niches profondes bâties en partie en briques et renfermant des statues trois fois plus grandes que nature et d’un travail très-fini. Celle de droite a une tête de femme dont les traits sont fort jolis, mais les poses très-forcées. Celle de gauche avait de nombreuses jambes et des bras dans diverses positions.


Chaîne d’une seule pierre décrite par M. Langlès. — Dessin de H. Clerget.

On pénètre dans l’intérieur du gombroon par une porte ornée de pilastres d’une seule pierre, longs, dit-on, de quarante-cinq pieds, dont dix-sept enterrés dans les fondations. Je n’y ai pas vu les fameuses chaînes en pierre qui dans la relation de M. Langlès figurent comme reliant des pilastres placés vis-à-vis l’un de l’autre et séparés par un espace de vingt-sept pieds ; leurs anneaux, d’environ vingt-deux pouces de circonférence, avaient six pouces et demi de diamètre extérieur et un pouce et demi d’épaisseur. Le travail semblait tel que pilastres et chaînes devaient avoir été pris dans un même bloc, monolithe d’au moins soixante pieds de long. Je ne saurais garantir qu’il n’existe pas de vestiges de ce tour de force de la patience indoue, mais je n’ai pu le découvrir.

Au-dessus de l’immense base que je viens de décrire, s’élèvent les sept étages qui forment un tronc de pyramide. Les six premiers se ressemblent, quoique placés en retrait l’un de l’autre. Chacune de leurs faces est percée d’une porte carrée servant à éclairer l’intérieur ; ces ouvertures se correspondent et ont une largeur proportionnée à celle de chaque côté dont les longueurs sont dans le rapport de 1 à 1 1/2 ou 1 à 1 3/4. Outre une frise, chaque étage a ses murs ornés de niches à colonnes dans lesquelles il y a des statues ; en s’élevant, les dimensions diminuent et les ornements changent un peu, comme la gravure peut en donner l’idée. Chacun aussi est garni à ses angles de petits édifices en saillie dont le nombre diminue en s’élevant. Tous ces petits temples, portés par le grand, auxquels ils semblent simplement accolés, sont mêlés de statues parfois beaucoup plus grandes que nature, faisant des gestes discords et portant des restes de peinture brillante. Le dernier étage à fenêtre diffère des autres en ce que les petits temples sont remplacés par deux statues dans des niches à colonnes surmontées de demi-cercles dentelés et à moulure, qui, placés au-dessus des statues comme une auréole, ressemblent à ces grossiers éventails en plume usités dans l’Inde. Le septième étage, qui a le même caractère sur tous les portiques de pagodes, est une sorte d’arche ou de maison à toit rond, à ardoises rondes ou pointues, simulées par le stuc et surmontées de ces boules aplaties, superposées et terminées par une pointe, qu’on remarque aussi sur les mosquées ; ces boules sent en stuc comme tout le reste ; elles étaient, dit-on, en or dans les temps passés. Au milieu de cet étage, sur les grandes faces, est un petit pavillon surmonté d’un demi-cercle à moulures variées, parmi lesquelles se dresse une tête à gros yeux et à oreilles relevées, laquelle a des pendants sur les petites faces de ce même étage. Ce sommet du monument est toujours surmonté par une figure hideuse et de grande dimension ; elle a une bouche énorme avec des dents aiguës, dont deux recourbées en manière de défenses, des oreilles pointues et sur la tête deux hautes cornes. Les yeux sont de grosses boules blanches très-saillantes et entourées de rouge et de jaune. Cette tête se trouve non-seulement au sommet des pagodes, mais sur toutes