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les informations sur le mouvement géographique du monde entier n’ont été aussi étendues, aussi complètes et aussi rapides. Chaque cahier est, en outre, accompagné de deux cartes toujours originales et supérieurement exécutées, et le tout est coté à un prix d’une modicité presque incroyable. Le seul inconvénient que l’on puisse trouver chez nous à cet inestimable recueil, c’est qu’il est en allemand.


IX

Je me suis arrêté volontiers sur l’établissement géographique de Gotha et sur les Mittheilungen, parce que de pareilles publications, poursuivies dans de telles conditions, agissent plus directement et d’une manière plus efficace sur l’éducation d’un peuple que bien des établissements officiels. Un seule maison française, parmi celles qui figuraient à l’Exposition, peut être citée de pair avec l’établissement géographique de Gotha ; en nommant la maison Hachette, je ne fais que constater une grande notoriété publique. Ses vitrines du Champ de Mars, non moins que ses catalogues, attestent que nulle autre n’embrasse à beaucoup près sur une aussi vaste échelle la série tout entière de l’éducation et des études. C’est à la fois sa fortune et son honneur. Depuis les petits livres à cinq sous jusqu’aux publications somptueuses auxquelles sont attachés les noms de nos plus grands artistes, depuis les livrets les plus élémentaires jusqu’aux immortels chefs-d’œuvre que l’esprit humain a produits dans tous les siècles et chez tous les peuples, rien n’est omis dans cette longue série qui s’adresse à tous les âges, à toutes les fortunes, à toutes les vocations. La Géographie y tient une large place, qui va s’agrandissant de jour en jour. Ce n’est pas à moi, à qui, par une faveur que j’apprécie profondément, il est donné de concourir à cette partie de l’œuvre commune, de m’étendre sur ce sujet ; il me sera cependant permis de dire que c’est là, et là seulement, que des efforts sérieux sont faits aujourd’hui pour relever les études géographiques de l’affaissement où elles sont tombées chez nous depuis de longues années. Nous n’avons encore en France, à l’heure qu’il est, ni un véritable Dictionnaire géographique ni un Atlas qui se puisse comparer aux atlas savants de l’Allemagne : la maison Hachette a voulu combler cette double lacune par la publication d’un Dictionnaire et d’un Atlas universel, qui soient le dépôt et l’image fidèle de l’état actuel de la science (ce que nul n’a fait encore, ni chez nous ni au dehors), et des notions acquises sur tous les peuples et toutes les contrées du globe. Œuvre gigantesque que la persévérance et le dévouement sans calcul peuvent seuls accomplir. Le recueil même où j’écris ces lignes, le Tour du Monde, est déjà, par son immense publicité, un très-grand service rendu à cette branche d’études, dont il a contribué d’une manière efficace à réveiller et a répandre le goût. Quant au nouvel Atlas français, il est seulement regrettable que l’exécution trop peu avancée n’ait permis d’en exposer que trois on quatre spécimens, parmi lesquels on peut signaler tout particulièrement la carte de Suisse réduite des vingt-cinq feuilles du général Dufour. Cette réduction est elle-même un chef-d’œuvre de gravure.


X

Les cartes manuelles exposées par les autres pays de l’Europe ne peuvent donner lien à de longues remarques. L’Italie, qui a tant à faire pour sa régénération scientifique, s’essaye honorablement, à Milan, par les publications des éditeurs Civelli et Valardi ; à Florence, par la fondation toute récente d’une société de géographie ; à Naples, par la publication d’un petit recueil de cartes de première éducation, sous la direction d’un professeur distingué de l’Université, M. Giuseppe de Luca. L’Angleterre, ce pays si pratique, et qui doit donner, en raison de l’universalité de ses relations de commerce. une large place aux études géographiques, l’Angleterre, n’a cependant que son Atlas de la société des Connaissances utiles, production anonyme d’une bonne exécution. En dehors de cet Atlas, ses écoles n’ont que des cartes d’une déplorable exécution ; celles qui figurent à l’Exposition sont au-dessous de toute critique. Les atlas de Keith Johnston, publiés à Édimbourg, et qui reposent, pour la partie physique, sur les cartes allemandes d’Henri Berghaus, présentent une rédaction nette, mais n’ont pas de valeur scientifique qui leur soit propre. C’est tout ce qu’on en peut dire. L’Angleterre n’a eu jusqu’à présent qu’un seul cartographe d’une réelle habileté, John Arrowsmith, dont les nombreux travaux, principalement concentrés dans le journal de la Société de géographie de Londres, ajoutent beaucoup à la valeur scientifique de ce précieux recueil. Encore faut-il dire que les cartes de John Arrowsmith elles-mêmes participent beaucoup trop, pour le figuré du terrain, à la manière large et sans vérité qui est le propre des cartes anglaises, même dans la demi-topographie. Petermann et Kiepert sont les premiers qui se soient sérieusement attachés à exprimer sur leurs cartes, selon les différences d’échelles, la vérité du figuré topographique.

Il faut d’ailleurs reconnaître que le dessin a aujourd’hui en cartographie une importance et des difficultés qui n’existaient pas autrefois. D’Anville, sur ses cartes, se contentait de marquer l’emplacement des montagnes, ou plutôt leur axe principal, par une suite de petits circonflexes ombrés, qui laissaient en blanc la plus grande partie de la feuille, et ne gênaient en rien la clarté de l’écriture, qui est toujours chez lui d’une disposition si harmonieuse. Ce genre de montagnes n’était, après tout, qu’un signe conventionnel, et je dirai plus, un signe parfaitement rationnel et parfaitement suffisant au-dessous d’une certaine échelle. Aujourd’hui, néanmoins, on exige davantage. Depuis que l’œil s’est habitué, sur les cartes topographiques, à suivre le relief du sol jusque dans ses moindres ondulations, on veut retrouver quelque chose d’analogue même sur les cartes très-réduites. De là l’importance que le dessin a