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lui obéissent. Il se laisse emporter sur les ailes de l’ouragan. Le voyageur, surpris en rase campagne, lutte courageusement contre la bourrasque, mais il ne peut empêcher que sa figure ne soit comme lacérée de coups de couteau : tel est l’effet des griffes du putois qui passe dans la tempête.

Les vieilles grenouilles, accroupies sur le bord des étangs, font descendre un brouillard humide sur les yeux du campagnard attardé : il croit entrevoir à l’horizon les toits de son hameau, et ce n’est qu’une illusion, qui l’égare toujours plus avant dans le vaste marécage.

Le yama-tori, ou faisan argenté, se fait de son plumage un miroir. C’est un être invulnérable. Il ne s’envole. point à la vue du chasseur ; mais malheur à ce dernier si, tenté de l’atteindre et le manquant toujours, il s’avise de le poursuivre dans les retraites de la montage, car il n’en reviendra pas !

Les vieux loups ont le don de métamorphose, témoin celui qui disparut soudainement de la contrée où il était devenu l’effroi des voyageurs. Quand ceux-ci crurent pouvoir désormais poursuivre en sûreté leur route, ils y rencontrèrent, le soir, au coin du bois, une belle fille portant à la main une lanterne peinte de bouquets de roses. La séductrice s’est fait connaître bien loin à la ronde sous le nom de la belle à la lanterne de roses. Hélas ! tous les voyageurs qui l’ont suivie sont tombés dans la gueule du loup !

Il y avait une autre fille qui, de loin, semblait avoir toutes les grâces de son sexe ; mais quand on la voyait face à face, cette fille était un vrai démon.

Le Tadé-Yama est une très-haute montagne, ayant à son sommet un profond cratère. Quand on regarde dans le gouffre, on y découvre avec horreur un bassin rempli de sang humain, et ce sang bouillonne, chauffé par le volcan : un pareil lieu, disent les bonzes, ne peut être que l’un des compartiments de l’enfer.


Escalier et arbre sacré du temple de Kami-Hamayou, à Simonoséki. — Dessin de Saglio d’après une aquarelle de M. A. Roussin.

Les âmes des avares reviennent sur la terre, tandis que leurs trésors, quelque bien enfermés qu’ils soient, s’envolent parfois l’on ne sait où ni comment.

Une femme qui avait de grands biens refusa de se marier. C’était pure avarice de sa part. Quand elle fut morte, ses sœurs héritèrent de sa succession. L’une d’elles, qui aimait à se parer d’une robe de la défunte et qui ne manquait pas de la suspendre chaque soir au porte-manteau de sa chambre à coucher, vit une fois un long bras décharné qui sortait avec beaucoup d’agitation de la manche de ce vêtement.

Les âmes des femmes qui ont été malheureuses errent aussi sur le théâtre de leurs infortunes.

Celles des femmes qui se sont suicidées en se jetant dans un puits, flottent en l’air comme si elles allaient tomber, la tête la première.

Les femmes mortes en couches avec leur enfant apparaissent tenant entre leurs bras l’innocente créature et criant aux passants, d’une voix suppliante : Ayez la bonté de recevoir mon enfant, pour qu’il ne reste pas dans la tombe !

Une femme était morte, victime des mauvais traitements de son mari. Celui-ci, dès qu’elle fut enterrée, eut soin d’appeler un bonze pour lui faire appliquer sur Le linteau de la porte de sa maison un papier bénit qui eût la vertu d’écarter les esprits. Quand l’âme de la défunte revint du cimetière, elle ne put en effet franchir l’obstacle sacré ; et dès lors elle ne cesse de crier aux personnes qui s’approchent de la maison : Vous qui passez, ayez donc la bonté d’enlever ce papier !

Les recueils d’anecdotes historiques présentent un tout autre caractère que les récits héroïques et les légendes merveilleuses. Aussi émanent-ils d’une source bien différente : loin d’être le produit de l’imagination