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nos grandes industries : tels sont les beaux ouvrages sur l’art d’élever les vers à soie et sur la fabrication de la porcelaine, aussi bien en Chine qu’au Japon, publiés depuis 1848, par les soins de M. le Dr J. Hoffmann, de M. Mathieu Bonafous et de M. Stanislas Julien.

Quant aux productions purement littéraires des écrivains japonais, nous n’en possédons que fort peu de chose, et, généralement, le choix des traducteurs n’a pas été heureux. Des recherches plus approfondies amèneront sans doute de meilleurs résultats ; mais elles ne seront vraiment fructueuses que lorsqu’on aura pénétré dans la vie intime de la bourgeoisie, et que celle-ci nous livrera le répertoire de ses pièces de théâtre, le trésor de ses légendes, de ses contes, de ses complaintes domestiques, de ses chansons de fêtes.

Au Japon, les gens du peuple ont, comme les enfants, la passion de se faire raconter des histoires. À l’heure où cessent les travaux des artisans et le mouvement des transports de marchandises, on remarque journellement, dans le voisinage des chantiers ou à l’angle d’un carrefour, des attroupements de personnes des deux sexes, rangées en demi-cercle devant un déclamateur de profession. Celui-ci est ordinairement accroupi sur une estrade adossée à quelque pan de mur. Ses récits sont débités d’un ton emphatique, mais avec beaucoup de mesure dans l’emploi de la mimique. Il les interrompt
Image allégorique du style noble.
par intervalles pour boire une tasse de thé ou pour tirer quelques bouffées de tabac de sa petite pipe de métal, car il est muni du braséro, de la bouilloire et du tabacco-bon, qui sont les trois ustensiles indispensables aux délassements de la société japonaise. Pendant ce temps de repos, ses auditeurs fument, rient, causent entre eux du sujet de son dernier discours, jusqu’à ce que l’orateur, s’inclinant avec respect et modulant quelque gracieux compliment à l’adresse de l’assistance, reprenne le fil de sa narration ou en commence une nouvelle.


Image allégorique du style populaire.

On rencontre aussi fréquemment des femmes qui chantent des romances ou qui récitent des légendes nationales, tantôt sous la vérandah d’une maison de thé, tantôt dans une sorte de banc de foire ouvrant sur la voie publique. Quand la chanteuse est seule, elle se tient accroupie derrière un petit pupitre, où elle étale son livre de légendes, et elle mêle à son récitatif les accords de la guitare populaire appelée le samsin. Cet instrument, peu harmonieux, n’a que trois cordes, que l’on fait vibrer en les frappant de la main droite avec une petite palette d’ivoire.

Les chanteuses les plus distinguées ne se produisent qu’en société de trois ou quatre musiciennes et, pour leur part, ne touchent à aucun instrument. L’orchestre dont elles font accompagner indifféremment les diverses