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Siebold n’a cessé de tenir école ouverte en sa charmante résidence de la vallée de Naroutaki, près de Nagasaki. Quand je la visitai, au printemps de 1863, il était en Europe, mais je trouvai néanmoins deux étudiants japonais installés dans une salle de sa riche bibliothèque, tandis que d’autres cultivaient son jardin botanique.

Quelques mois auparavant, à mon passage à Batavia, le docteur Mohnike m’avait raconté l’épopée tragi-comique, mais triomphante, de la campagne qu’il venait d’accomplir au Japon pour y introduire la vaccine.

À Décima, le docteur Bauduin m’entretint de ses luttes avec toutes les puissances cléricales et civiles de l’Empire pour les amener à remplacer ou plutôt à compléter l’usage des mannequins et des maquettes, dans les facultés de médecine de Kioto et de Yédo, par l’enseignement des salles de clinique et des amphithéâtres d’anatomie.

À son prédécesseur, le docteur Pompe van Meerdervoort, revient l’honneur de l’une des victoires les plus décisives que la science ait remportées sur les préjugés de l’extrême Orient. Le 9 septembre 1859, le docteur, dûment muni de l’autorisation du Taïkoun, réunissait, à huit heures du matin, sur un promontoire de la baie de Nagasaki, quarante-cinq médecins et une sage-femme indigènes. Il avait étalé devant lui le cadavre d’un assassin
Un médecin en visite. — Dessin de A. de Neuville d’après une peinture japonaise.
japonais qui venait d’être exécuté dans la cour des prisons. Il en opéra la dissection complète, et donna de la sorte aux assistants une leçon théorique et pratique d’anatomie qui se prolongea jusqu’au coucher du soleil. L’événement ne fut pas sans causer une certaine agitation parmi le peuple ; mais une proclamation du gouverneur de Nagasaki sut la calmer instantanément par la déclaration suivante : « Considérant que le cadavre du malfaiteur a rendu service à la science médicale et conséquemment au bien public, le gouvernement pourvoira, dans les vingt-quatre heures, à ce que les restes dudit supplicié soient enterrés honorablement, avec le concours des ministres de la religion. »

Le même docteur Pompe a déterminé le Taïkoun à construire, à Nagasaki, aux frais de l’État, un hôpital de cent vingt-quatre lits, ouvert indistinctement à des malades de tout pays et de toutes conditions. Ce bel établissement, dont le Taïkoun donna la direction souveraine à l’homme qui en était le véritable fondateur, a été inauguré le 20 septembre 1861. Dès la première année, il a reçu neuf cent trente malades des deux sexes et attiré une cinquantaine d’étudiants qui ont suivi régulièrement les cours de clinique du directeur.

Si le jugement des peuples civilisés n’était pas faussé par la manière dont on leur enseigne l’histoire ; s’ils avaient appris que la science a ses héros aussi bien que