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fantaisie de ces graves personnages. J’en ai vu dont la tête était rasée comme celle d’un bonze ou d’un docteur impérial, bien qu’ils fussent certainement des médecins de troisième classe ; d’autres portaient les cheveux flottants, arrondis sur la nuque, et d’autres encore une longue barbe. Leur extraction bourgeoise ne leur permettant pas de se charger la hanche gauche de deux sabres, ils se procurent du moins la satisfaction d’en passer un dans les plis de leur ceinture ; mais c’est toujours un tout petit sabre, que parfois même on ne fait que deviner, tant il est soigneusement enveloppé dans le crêpe ou le velours. Certains notables de la Faculté affectent, au surplus, de ne jamais se montrer en public sans être suivis d’un coskeï portant leur trousse et des médicaments.

C’est ainsi que même les médecins de troisième classe captivent l’estime générale et s’assurent d’une considération incontestée. J’ai entendu dire que lorsqu’ils étaient appelés dans les maisons aristocratiques, on les payait essentiellement de cette monnaie-là plutôt qu’en itzibous. Il est de notoriété publique que la plupart ont à peine de quoi supporter les charges d’un ménage, sans en excepter ceux qui possèdent une clientèle très-étendue : telles sont, en effet, les conditions d’existence de la généralité des familles bourgeoises, que, vers la fin de l’année, après avoir vaillamment subvenu aux dépenses indispensables, savoir : celles qui concernent la consommation domestique, les grandes fêtes annuelles, le théâtre, les bains, les bonzes et les parties de plaisir, il leur reste fort peu de chose à donner au médecin.


Vue d’un canal dans la cité marchande de Yédo à l’heure de midi. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.

Celui-ci, de son côté, accepte philosophiquement la situation, et il faut ajouter, à sa louange, que généralement cette abnégation de sa part a le caractère du vrai désintéressement. Elle s’allie même fréquemment à un zèle scientifique, à un besoin de recherches savantes, à un goût d’observation de la nature, qui produiraient des résultats remarquables si ces qualités reposaient sur une base solide, sur une instruction préparatoire suffisante. Elles ont eu du moins assez d’énergie pour faire de la confrérie des médecins japonais l’un des agents les plus actifs des progrès de la civilisation dans leur pays.

Cette confrérie des médecins est du nombre des corporations d’arts et métiers du Japon, qui jouissent d’une constitution officielle et de certains priviléges. Elle a été placée par le Mikado sous l’invocation d’un saint patron, nommé Yakousi, Tout indique qu’elle doit remonter à une haute antiquité. Les annales impériales de Kioto nous apprennent que la première pharmacie japonaise fut fondée en 730 ; que l’an 808 eut la gloire d’enrichir la science médicale de la collection de recettes