et les mêmes opérations se répètent, jusqu’à ce que la tâche du bourreau soit achevée. Il ne reste plus alors qu’à livrer les cadavres aux gentilshommes qui se sont fait inscrire pour en obtenir, à la première occasion, dans le noble but de s’exercer au maniement du sabre.
On ne conduit généralement
à l’une
ou à l’autre des places
publiques d’exécutions,
que les
grands criminels,
tels que les incendiaires
et les assassins. Les premiers
sont livrés aux flammes.
Quand on les
attache au fatal pilier,
La flagellation : appliquée en présence du gouverneur et du médecin de la prison.
l’on a soin de recouvrir leurs liens d’une couche
de terre glaise. Les Japonais ne connaissent pas encore
l’usage des chaînes,
et leurs cordes
en paille, quelque
bien tressées qu’elles
soient, ne résisteraient
pas longtemps
à l’action du
feu. D’anciens résidents
de Yokohama
m’ont décrit, pour y
avoir assisté, le supplice
d’un incendiaire
qui avait juré de
brûler le quartier
franc, et qui fut pris
sur le fait, à sa seconde ou troisième tentative. Peut-être
aurais-je pu, à Yédo même, voir mettre en croix
deux parricides, car
je reçus un matin de
Tô, la complainte
illustrée relative à
leur crime et à leur
prochaine exécution ;
il l’avait achetée d’un
colporteur qui la
chantait dans les carrefours
de la Cité,
comme on sait que
cela se pratique encore
en pleine civilisation
chrétienne.
Parricide condamné à la crucifixion et conduit au lieu du supplice[1].
L’assassinat, sans circonstance aggravante, est puni de la décollation. Comme autrefois en Europe, l’appareil des exécutions publiques affiche la prétention de produire une salutaire impression sur la foule. Le condamné est placé à cheval, lié sur une haute selle de bois, et l’on ne manque pas de suspendre à son cou un rosaire. En tête du cortége, les huissiers de la justice attirent l’attention du peuple sur un large écriteau que portent leurs coulies et qui retrace en termes emphatiques le lugubre drame dont le dernier acte va s’accomplir.
L’exécution par le glaive ; deux sacs contiennent déjà les corps d’autres victimes.
Mais pourquoi m’arrêter à ces scènes hideuses, comme si nos promenades dans la Cité devaient avoir le triste privilége de les rappeler ? N’est-ce pas plutôt la rencontre inévitable de quelque escouade de la police taïkounale, ou peut-être l’aspect de la forteresse apparaissant tout à coup au dernier plan d’une lointaine perspective de rues ou de canaux, qui évoque fatalement le sombre génie des résidences de la noblesse et du gouvernement ? C’est que telle est en effet la situation. À Yédo, la vie bourgeoise est enserrée dans un réseau de fer. Cependant, comme le bourgeois lui-même sait échapper de temps en temps aux mailles de ce réseau ; comme il possède l’art d’oublier, quand il lui plaît, le monde officiel qui le domine, il faut apprendre, à son exemple, à faire abstraction de tout ce qui est en dehors de sa sphère ; il faut s’asseoir à ses repas de famille, le suivre dans ses excursions champêtres, ou au sein des réjouissances nocturnes de sa bonne ville, et se plonger librement dans la vie intime populaire, sur les pas de ce guide expérimenté et avec le cortége de ses nombreux amis : les
- ↑ Il a un rosaire au cou ; devant lui l’on porte les deux longues lances avec lesquelles on le transpercera sous les aisselles pour lui donner le coup de grâce, au coucher du soleil. L’écriteau de bois sera planté sur la place où sa tête restera exposée.