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Entrée du temple no 32, dit des Mille-Colonnes. — Dessin de H. Clerget d’après un dessin de M. le contre-amiral Paris.


LA PAGODE DE CHILLAMBARAN
(CÔTE DE COROMANDEL),


PAR M. LE CONTRE-AMIRAL PARIS,
DIRECTEUR DU DÉPÔT DES CARTES ET PLANS DE LA MARINE IMPÉRIALE.


1838-1844. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


I


Considérations générales. — Les plaines de Coromandel. — Les monuments religieux de l’Inde et ceux de l’antiquité classique. Leur âge incertain.

Peu de pays présentent à l’examen du voyageur des monuments aussi grands et d’un style aussi original que ceux de l’Inde. Il était donc naturel de désirer compléter deux campagnes intéressantes, en examinant la plus célèbre pagode de la côte de Coromandel, celle de Chillambaran. J’en trouvai une première occasion, lorsque pendant son second et brillant voyage autour du monde, l’amiral La Place, alors capitaine de vaisseau, mouilla pour la seconde fois en juin 1838, sur la rade de Pondichéry avec la frégate l’Artémise. Quelque tristes que fussent pour moi les souvenirs du grand monument de Chillambaran, ils m’avaient laissé une telle impression d’admiration, que je proposai sa visite à l’ambassadeur de France en Chine, M. de Lagrenée, lorsqu’en 1844 je le ramenais à Suez après la signature du premier traité conclu par lui entre la France et le Céleste Empire. Cette seconde fois l’Archimède, que je commandais, vint de Pondichéry mouiller devant Porto-Novo, en vue des quatre grands portiques de Chillambaran qui, malgré leur distance de la mer de huit kilomètres, dominent de toutes parts les cocotiers et servent à diriger les navires pour éviter les bancs de roche de Cooleroon.

J’ai donc visité deux fois la pagode de Chillambaran, ce qui m’a permis de réunir un assez grand nombre de dessins pour en faire apprécier les détails, tandis que le plan sert à en montrer l’ensemble. C’est, je crois, ce qu’on a rassemblé de plus complet sur ce monument du génie et de la patience des Indous.

En partant de Pondichéry, la monotonie de la plaine sans fin de la côte de Coromandel et de ses palmiers clair-semés n’est interrompue que par la rencontre de quelques huttes en terre glaise aussi misérables que celles des noirs d’Afrique, et par la présence de chevaux en pierre ou en bois groupés à l’ombre des palmiers. Leurs formes ne sont pas plus souples et gracieuses que celles des joujoux d’enfants, et le plus grand est, dit-on, consacré à la divinité principale. Plus loin sont des statues posées sur des piédestaux trop peu élevés relativement à la dimension souvent gigantesque des figures : celles-ci sont assises dans la position que l’on donne ordinairement au Bouddha, les jambes croisées, ou l’une pendante et l’autre repliée sous le corps. Les formes sont arrondies, les extrémités grêles et les figures manquent d’expression ; le