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On dit que le Taïkoun a la régale de ce commerce.

Bien que les Japonais professent, au point de vue esthétique, un profond dégoût pour les poulpes, comme il est facile de s’en assurer par leurs livres de caricatures, ils ne paraissent point les dédaigner quand elles sont convenablement accommodées en friture et proprement étalées sur des herbes ou du papier de couleur. J’ai remarqué que les rôtisseries en plein vent, exclusivement consacrées à cette spécialité, jouissent d’une grande vogue.

Un pourvoyeur qui passait devant un magasin de grainier, où quelques dames étaient occupées à faire des cornets, s’arrêta devant elles et d’un coup de crochet tira de sa corbeille une hideuse méduse. Les dames aussitôt se voilèrent la face, jusqu’aux yeux exclusivement, au moyen des larges manches de leur kirimon, ce
Coulies du marché au poisson. — Dessin de A. de Neuville d’après une photographie.
qui est le geste de la pudeur chez les beautés de l’empire du soleil levant ; mais après ce tribut payé à leur légitime indignation, elles appelèrent en riant le maître de la maison, qui acheta le mollusque.

L’étalage des magasins de graines à Yédo, présente un vif attrait : la quantité et l’infinie variété des produits exposés, la diversité de leurs formes et de leurs couleurs, l’art avec lequel ils sont distribués sur les étagères, tout concourt, dès le premier coup d’œil, à captiver l’attention ; mais bientôt la surprise et l’admiration succèdent à la curiosité, lorsque l’on s’aperçoit que chacun des paquets déjà enveloppés de papier, chacun des cornets prêts à être livrés, portent, avec le nom des graines, le dessin colorié des plantes elles-mêmes. Le plus souvent ce dessin est un petit chef-d’œuvre, que l’on dirait détaché de quelque char-