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Elle se compose elle-même de trois quartiers, qui sont, dans la direction du sud-ouest au nord-est, ceux du Kio-Bassi, du Nippon-Bassi, et du Nippon-Kita. Dans ce dernier, la Cité envahit les quais de l’O-Gawa, tandis que, dans les deux précédents, la rive et les îles du grand fleuve sont, en majeure partie, occupées par des édifices publics ou des résidences nobles. On y distingue une douzaine de palais de daïmios ; quelques petits yaskis de hattamotos ; dans le voisinage d’un champ de courses, le grand temple de Nisihongandji, une ou deux batteries de côte, et une école de marine du gouvernement.

Tout le reste de l’espace compris entre le Castel et l’O-Gawa présente l’image d’un immense damier, tant les rues longitudinales sont coupées régulièrement de rues transversales ; tant les autres sections indiquées par les lignes bleues des canaux, ont l’apparence d’une exacte symétrie.

Le quartier du Nippon-Bassi, qui est le cœur de la Cité, contient, sur une étendue de quatre kilomètres carrés, cinq rues longitudinales et vingt-deux rues transversales, se coupant à angles droits et formant soixante-dix-huit carrés de maisons, presque complétement identiques les uns aux autres. Pris dans son ensemble, il présente donc la figure d’un parallélogramme allongé. Des canaux navigables l’entourent des quatre côtés. Quinze ponts le mettent en communication avec les quartiers adjacents : deux, à l’ouest, jetés sur le grand fossé du Castel ; cinq à l’est, cinq au sud, et trois au nord.

Parmi ces derniers, celui du milieu est le pont du Nippon, le Nippon-Bassi, qui donne son nom au quartier, On en a fait le centre géométrique du Japon. C’est de là que l’on mesure toutes les distances géographiques de l’Empire, comme cela se pratique en Angleterre depuis le Milestone du pont de Londres. C’est aussi au
Marchand de graines. — Dessin de Feyen Perrin d’après une gravure japonaise.
pont du Nippon qu’aboutit le Tokaïdo. À partir du faubourg de Sinagawa, il traverse, sous le nom de rue d’Ottori, les quartiers de Takanawa, d’Atakosta, du Kio-Bassi et du Nippon-Bassi ; et à l’extrémité de celui-ci, le pont central forme la limite entre cette grande artère politique, militaire et commerciale du sud de l’Empire, et une autre, non moins importante, se dirigeant vers le nord. On l’appelle pareillement l’Ottori dans l’enceinte de Yédo, et au delà : l’Oskio-Kaïdo. Elle s’arrête à la pointe septentrionale de l’île de Nippon, d’où l’on franchit le détroit de la Pérouse pour atteindre Hakodate sur l’île de Yédo.

Bien qu’ils aient un caractère complétement homogène, les quartiers de la Cité ne laissent point cette impression de fastidieuse monotonie que les yaskis de la cour ou de la noblesse féodale ne tardent guère à produire. Les maisons bourgeoises, non plus que les palais, ne s’éloignent du type d’architecture qui leur est propre : ce sont de simples constructions en bois, n’ayant au-dessus du rez-de-chaussée qu’un étage bordé le plus souvent d’une galerie sur la rue, et une toiture basse, en tuiles couleur d’ardoise, ornée de quelques moulures en gypse aux deux extrémités du faîtage. Mais si le cadre est uniforme, les tableaux qu’il étale aux regards sont ravissants de variété, d’imprévu, de pittoresque ingénuité.

Voici, à l’entrée d’une rue du Nippon-Bassi, une boutique de barbier, où deux ou trois bourgeois, dans le plus simple appareil, viennent faire leur toilette matinale. Assis sur la sellette, ils tiennent gravement, de la main gauche, le plateau de laque destiné à recueillir, après chaque coup de rasoir, ou de ciseaux, les dépouilles de l’opération. De leur côté, les artistes-coiffeurs, débarrassés de tout ce qui pourrait gêner la liberté de leurs mouvements, se penchent tantôt à droite, tantôt à gauche de la tête de leurs patients, pour y promener