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pas abandonner la place, aussi longtemps qu’elle pourrait y exercer une honorable influence.

L’ilot de Décima rappelle sans doute plus d’un humiliant souvenir ; mais il fait l’éloge d’une vertu qui n’est pas très-commune, la persévérance. C’est pourquoi il a justement mérité l’honneur singulier qui lui est échu au commencement de notre siècle. La maison d’Orange avait été détrônée ; les membres de la dynastie nationale néerlandaise étaient en fuite ; les Pays-Bas, englobés dans l’empire napoléonien ; leurs colonies, au pouvoir de l’Angleterre. Il ne resta plus qu’un refuge au pavillon néerlandais, un seul point du globe où, en effet, il ne cessa de flotter ; et ce fut, à l’extrémité de notre hémisphère, au fond d’une paisible baie japonaise, cette petite jetée de terre, construite en forme d’éventail ouvert, et qui porte le nom de Décima.

C’est de là que le Japon a été révélé à l’Europe. Les navigateurs hollandais, ainsi que les surintendants de la factorerie de Décima nous ont laissé de précieuses relations de leurs voyages de découvertes ou de leurs ambassades à la cour du Mikado et au castel des Siogouns. Specx, de Vries, van der Capellen, Linschoten, van Diemen, ont donné leurs noms aux détroits qu’ils ont explorés sur les côtes de Kiousiou, dans la mer Intérieure et dans le groupe des Kouriles.


Artiste japonais peignant un yéma (voy. t. XIV, p. 68). — Dessin de Feyen Perrin d’après une esquisse japonaise.

C’est à Décima que Kæmpfer, Thunberg, Titsingh, Levyssohn, de Lijnden, de Coningh, de Siebold, et tout récemment M. Pompe de Meerdervoort, ont rassemblé les matériaux de leurs mémoires sur le Japon. Le livre de Kæmpfer est un chef-d’œuvre de candeur, d’érudition et de sagacité. Les Archives de Siebold sont un recueil d’une richesse inépuisable, l’œuvre monumentale de toute une longue vie d’études et de recherches, pendant laquelle l’auteur n’a pas fait moins de trois fois le voyage du Japon, en séjournant à chaque reprise pendant plusieurs années dans diverses parties de l’empire, surtout à Décima et à Nagasaki.

Quelques-uns des travaux que je viens de citer se sont accomplis à l’aide de subsides considérables fournis par le gouvernement des Pays-Bas. Il a rendu, de la sorte, à la science et à l’humanité des services qui méritent la reconnaissance de tous les peuples.

L’initiative des modernes relations de l’empire japonais avec l’Occident appartient à la Hollande. Dix ans avant la mission américaine, le 1er février 1844, le roi des Pays-Bas, Guillaume II, prit la chevaleresque résolution de tenter une démarche auprès du Taïkoun pour le persuader d’ouvrir le Japon à toutes les nations indistinctement. La lettre qu’il lui écrivit dans ce but ne reçut, à la vérité, qu’une réponse négative ; mais elle ne demeura pourtant pas sans effet : elle inaugura entre les agents hollandais résidant au Japon et le gouverne-