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Musulmans, vous la reconnaissez de loin au riche et sombre voile de verdure qui flotte sur elle ; des arbres pour s’asseoir à leur ombre, des fontaines jaillissantes pour rêver à leur bruit, du silence, et des mosquées aux légers minarets s’élevant à chaque pas du sein d’une terre pieuse. »

Telles étaient, du temps des Khalifes, les campagnes qui environnent Cordoue ; les anciens auteurs arabes nous en ont laissé les descriptions les plus séduisantes. Le fleuve qui les arrose, dit l’un d’eux, est un des plus beaux de la terre : tantôt il court majestueusement au milieu de plaines unies, ou arrose des prairies vertes comme l’émeraude et parsemées de fleurs ; tantôt il coule à travers des bosquets ombreux et touffus où le chant des oiseaux ne cesse de se faire entendre ; plus loin le courant, devenant plus rapide, imprime le mouvement aux innombrables moulins qui s’élèvent sur ses bords, et entretient la fraîcheur parmi les plantes du voisinage. Ces moulins, au dire d’un autre auteur, ne s’élevaient. pas à moins de cinq mille entre Séville et Cordoue ; ce nombre est exagéré sans doute, mais c’est à peine si l’on en voit aujourd’hui fonctionner quelques-uns ; ceux qui datent de l’époque arabe se reconnaissent à la tour carrée qui les accompagne, et qui servait de défense
Jeune mendiant espagnol (croquis fait à la venta de Cadenas). — Dessin de Gustave Doré.
aux habitants contre les incursions de l’ennemi ; quelques fondations en pierre, qu’on voit ça et là sortir de l’eau, indiquent seules l’emplacement occupé par les anciens moulins.

Quant aux prairies émaillées de fleurs, elles sont aujourd’hui remplacées par des champs arides, et au lieu des frais bosquets, nous n’aperçûmes que des saules et des trembles au feuillage argenté, et quelques lauriers roses disséminés de place en place, et qui indiquent au loin le cours du Guadalquivir. Les maisons du faubourg de Cordoue qui longe le fleuve, sont surmontées de terrasses, et abritées par des figuiers, des treilles et des orangers, au-dessus desquels s’élèvent quelques palmiers ; quant aux campagnes qui s’étendent entre la ville et les montagnes qui servent de contre-forts à la Sierra-Morena, ce sont les seules des environs où les habitants de Cordoue trouvent aujourd’hui un peu d’ombre et de fraîcheur.

C’est sur un des monticules qui s’élèvent comme des oasis dans la direction de la grande chaîne de montagnes, qu’existait autrefois la célèbre ville d’Az-Zarah, la plus somptueuse de celles bâties à l’époque arabe. Voici comment on raconte la construction d’Az-Zarah. Une des femmes d’un khalife était morte en laissant des