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El vestido que llevaba
Era de rayos de sol.

« Quand la Vierge fut entendre la messe — Dans le temple de Salomon, — Le costume qu’elle portait — Était fait de rayons de soleil. »

Les confréries ou cofradias en l’honneur de la sainte Vierge sont extrêmement nombreuses en Espagne ; de temps en temps les membres de ces confréries, los cofrades, se réunissent dès le point du jour, appelés par le son d’une petite cloche pour réciter le chapelet de l’aurore, — El Rosario de la Aurora ; parmi les couplets mystiques chantés au Rosaire, nous avons remarqué celui-ci, où Marie est comparée à un navire de grâce, dont saint Joseph est la voile, et le niño Jésus le gouvernail ; et les rames sont les âmes pieuses qui vont au Rosaire avec grande dévotion :

Es Maria la nave de gracia,
San José la vela, el niño el timon ;
Y los remos son las buenas almas
Que van al Rosario con gran devocion.

D’autres coplas non moins naïves sont celles qui se chantent sous le titre de la Prediccion de la Gitana : une gitana, dit le premier couplet, s’approcha des pieds de la Vierge sans tache ; elle mit un genou à terre et lui dit la bonne aventure :

Una Gitana se acerca
Al pié de la Virgen pura,
Hincó la rodilla en tierra,
Y le dijó la buena ventura.

La bohémienne prédit alors à la Vierge Marie son histoire et celle de son divin Fils, qui doit mourir sur le Calvaire pour racheter l’humanité.

Depuis un temps immémorial, le dogme de l’Immaculée Conception est admis en Espagne ; bien plus, c’est une croyance éminemment populaire : on sait qu’autrefois le salut ordinaire, quand on abordait quelqu’un, était : Ave Maria purisima, et qu’on ne manquait jamais de répondre : Sin pecado concebida (conçue sans péché). Aujourd’hui encore, — nous en avons fait plusieurs fois la remarque, — cette formule est employée dans certains endroits de l’Andalousie.

L’Immaculée Conception est célébrée dans plus d’un vieux livre devenu rare aujourd’hui : nous achetâmes un jour, en bouquinant dans les rues de Cordoue, un curieux in-quarto imprimé en 1615 à Baeza, et qui porte le titre de Glosas (couplets) á la Inmaculada Concepcion, en forma de chançonetas. « Ces couplets que chantent communément les enfants, dit l’auteur du livre, ont été inspirés par la singulière dévotion que l’insigne cité de Cordoue professe particulièrement pour ce sacro-saint mystère. »

Des couplets de ce genre se chantent encore aujourd’hui. En voici deux très-connus, et qui figurent parmi les Poesias populares recueillies par Fernan Caballero :

Los Moros de Berberia
Dicen que no puede ser
Parir y quedar doncella
La esposa de San José.


    Si supieran la doctrina
Que enseña el Santo Evangelio,
Supieran como Mariá
Fue madre y Virgen á un tiempo.

« Les Mores de Barbarie prétendent que l’épouse de saint Joseph ne put enfanter et rester vierge.

« S’ils connaissaient la doctrine qu’enseigne le Saint-Évangile, ils sauraient comment Marie fut mère et vierge en même temps. »

Le nombre des tableaux espagnols représentant l’Immaculée Conception est vraiment incalculable ; on sait que Murillo traitait si souvent ce sujet, qu’on lui avait donné le surnom de peintre des Conceptions : Pintor de las Concepciones. L’année qui précéda la naissance du grand peintre de Séville, en 1618, une déclaration solennelle mit l’Espagne et toutes ses possessions du Nouveau-Monde sous la protection du saint Mystère : les auteurs contemporains font des récits extraordinaires des fêtes qui furent célébrées à cette occasion, et parmi lesquelles figurèrent de grandes courses de taureaux. Plus tard, le collége de las Becas fut spécialement fondé à Séville pour la défense du fameux dogme, et Charles III, vers la fin du siècle dernier, fonda un ordre particulier, l’ordre de Carlos Tercero, ayant pour emblème l’Immaculée Conception.

Il n’y a guère d’endroit, aussi bien dans la rue que dans les églises, où l’on ne voie représentée la Santisima vêtue de bleu et de blanc, et accompagnée d’un vase contenant des lis, emblème de la pureté. Ce sujet était autrefois très-souvent peint sur les azulejos ou plaques de faïence qu’on incrustait sur la façade des maisons, et nous avons remarqué à Cordoue un assez grand nombre de ces peintures tutélaires. « Sur la porte de la plupart des maisons, dit Mme d’Aulnoy, il y a un carreau de faïence sur lequel est la Salutation Angélique, avec ces mots : Maria fue concebida sin pecado original. » Cette inscription se trouvait même sur les armes et sur les armures ; nous l’avons vue plusieurs fois sur des cuirasses, et nous possédons une longue épée de Tolède où elle est gravée en beaux caractères du seizième siècle.


Les environs de Cordoue. — Les bords du Guadalquivir sous la domination musulmane. — Les anciens moulins arabes. — Azzaráh, la villa des Khalifes, une fontaine byzantine. — Ancien dicton sur Cordoue. — Le palais de Rizzafah. — Le luxe d’Abderame Ier. — Cordoba la Vieja.San Francisco de la Arrizafa.

Les environs de Cordoue, à l’époque de la domination musulmane, étaient aussi riches et aussi florissants que la ville même ; sa délicieuse situation au milieu d’une plaine fertile, arrosée par les eaux du Guadalquivir, en avait fait la résidence favorite des Khalifes d’Occident, et les Ommiades, notamment, y avaient épuisé leur munificence en palais somptueux et en édifices utiles. « Dès que vous approchez, en Europe ou en Asie, dit Chateaubriand, d’une terre possédée par les