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portées par an ; et une seule portée peut produire jusqu’à douze petits. Aussi les populations limitrophes, et particulièrement celles des parages d’Ury, d’Arbonne, d’Achères… se plaignent-elles des ravages opérés par les sangliers, qui viennent chaque nuit fouiller leurs champs ensemencés. On a songé à se débarrasser de ces hôtes incommodes. Au mois de janvier dernier M. Aguado, ayant monté un équipage pour cette chasse, est venu deux fois courre le sanglier. Il a pu en tuer deux ou trois ; mais ses chiens, qu’il avait fait venir d’Angleterre, ont pris plusieurs fois le change sur des cerfs. Vers la même époque on a fait une grande battue à laquelle participaient une centaine de paysans des environs, diversement armés. Cette battue, probablement tumultueuse, est restée sans succès : chasseurs et sangliers se sont aperçus plusieurs fois et en ont été quittes pour les émotions qu’ils se causaient mutuellement, sans se faire autrement mal. L’administration a dû enfin aviser à des moyens plus efficaces de détruire ces animaux nuisibles, non-seulement à cause des dégâts qu’ils commettent, mais parce qu’ils compromettraient, en se propageant, la sécurité des touristes, aujourd’hui si nombreux, qui parcourent journellement la forêt de Fontainebleau dans tous les sens. Quelques opérations récentes de panneautage (voir plus bas) ont déjà produit des résultats. Un moyen plus simple et plus sûr ne serait-il pas d’autoriser les gardes à tirer les sangliers et de fixer une prime pour chaque bête abattue ?


Montigny-sur-Loing. — Dessin de D. Grenet.

Aucune réclamation ne fut élevée sous l’Empire par les propriétaires riverains ; mais, sous la Restauration, ils obtinrent des tribunaux une condamnation de la liste civile à leur payer une indemnité. Cette indemnité, augmentée d’année en année, montait, en 1830, à plus de soixante mille francs. Depuis, pour se mettre à l’abri des réclamations et pour empêcher les cerfs et les biches d’aller hors de la forêt au gagnage dans la plaine, on se décida à entreillager, à grands frais, tout le pourtour de la forêt. Puis ayant reconnu l’insuffisance de ce moyen, parce que les animaux sortaient la nuit par les ouvertures libres des routes, on avait commencé à supprimer sur certains points ces entreillagements de clôture ; mais on les a rétablis de nouveau.

On détruit les biches, quand il y en a un trop grand nombre ; pour cela on procède au panneautage. Cela consiste à entourer complétement, çà et là, de hauts filets des portions de bois où l’on sait que ces animaux sont remisés. Les chasseurs et les traqueurs entrent dans cette enceinte fermée et s’avancent vers l’autre extrémité en refoulant le gibier devant eux. Les biches et les faons viennent, en fuyant, buter fortement contre les filets formant poches par le bas ; ils tombent dedans, entraînant dans leur chute les piquets qui servent de supports aux toiles ; et on les prend vivants, ou on les assomme. — Un matin, dans une de ces battues, près de la Malmontagne, je vis un cerf venir heurter le filet ; l’ayant aperçu à temps, il retourna en arrière ; puis, de nouveau ramené par les chasseurs, il prit son élan, franchit les filets malgré leur hauteur, et se perdit dans le rocher des Princes.

Si la forêt de Fontainebleau n’était soumise qu’aux conditions ordinaires de l’exploitation forestière, elle ne serait exposée qu’à la perte périodique de ses belles futaies ; perte regrettable, sans doute, mais qui laisserait intacts les aspects remarquables et les singularités de son sol accidenté. Elle a de plus à subir les déplorables dévastations résultant de l’exploitation de ses grès. C’est ainsi que, par une fatalité qui se reproduit souvent