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que nos mulets nous portaient ; leur corvée semblait devoir se prolonger ; je leur fis servir une double mesure d’orge, tant pour le passé que pour l’avenir.

Je ne tardai pas à donner le signal du départ, et à trois heures nous étions sur le monticule dont les bords, en s’affaissant jusqu’à la mer, forment le cap Tedlès. Le chef du village arriva et je lui fis expliquer par mon spahis, qui parlait un peu français, que je désirais visiter sa localité. Il se mit à ma disposition et me conduisit tout d’abord à un tombeau : sorte de tour qui me parut avoir environ dix mètres de hauteur sur six de diamètre ; il en reste encore une espèce de façade tournée vers l’est qui devait être le côté de l’entrée, à ce que semble indiquer une porte placée entre deux colonnes qui s’appuient à de grosses pierres.

Le centre de ce monument est rempli d’une maçonnerie très-serrée, faite avec de petites pierres et du ciment. La porte est encombrée, ainsi que la place d’une inscription qui paraît avoir été enlevée tout d’une pièce. Une grande auge en pierre est au pied de cette ruine ; c’était probablement le cercueil qu’on a extrait dans une fouille. On trouve encore là beaucoup de restes de murs et de fondations de monuments ; presque toutes les maisons du village kabyle de Taksebt sont construites avec ces grosses pierres taillées, sur lesquelles il n’y a pas à se tromper comme provenance.


Kabyles bijoutiers-armuriers. — Dessin de Stop d’après un croquis du commandant Duhousset.

Voyant que j’y prenais goût, c’était à qui me ferait voir quelque chose, et me mettrait sur la trace de nouveaux vestiges ; enfin je fus conduit devant une pierre qu’un indigène avait heurtée en labourant. Je la dégageai des obstacles qui la recouvraient à moitié, et je découvris un bas-relief assez grossier, qui représente, dans un cadre arrondi de cinquante-cinq centimètres de haut sur quarante de large, un individu à barbe, vêtu d’une grande chemise et donnant la main à son fils, habillé de la même manière que lui. Ce dernier porte dans sa main gauche un objet qui ressemble à un gâteau de Savoie, et le père tient dans ra main droite le bout d’une écharpe qui lui passe par-dessus l’épaule gauche. Ces deux personnages sont entourés d’une sorte de cadre qui forme à son sommet une pointe, dans laquelle est sculpté un oiseau, dont les ailes tombantes à demi étendues recouvrent leurs deux têtes. Le relief de ces figures est de cinq centimètres, celui de l’oiseau n’est que de deux. Cette pierre était probablement destinée à être placée verticalement ; elle se termine à sa base par un tenon qui devait entrer dans une autre pierre de forme rectangulaire et placée horizontalement. La stèle que nous venons de décrire est haute de quatre-vingt-dix centimètres sur cinquante de large.