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Tel était ce bordj au temps des Turcs et lorsque sa garnison ou nouba comptait trois seffra d’artillerie, soixante-dix hommes environ, commandés par un kaïd qui gouvernait le pays d’alentour et présidait les marchés à l’aide de son khodja. Le moyen d’action le plus efficace de ce chef consistait dans l’emploi de colonies militaires ou smalas habilement placées dont la plus remarquable, la tribu Mar’zen des Amraoua, formait une excellente cavalerie, grâce à sa position au centre d’une plaine renommée pour sa fertilité. Elle interceptait les relations commerciales des Kabyles et rasait leurs moissons lorsqu’ils ne payaient pas l’impôt. Aussi, après la chute des Turcs, les Amraoua furent exposés aux vendettas des tribus voisines. Sous les Français ils ont conservé leur réputation d’excellents soldats ; ils forment un goum infatigable, et fournissent aux spahis ou aux tirailleurs indigènes des recrues qui se font remarquer par leur fidélité et leur intrépidité.

En 1854, on a ajouté quelques constructions au bordj que nos troupes occupèrent définitivement en 1855 et où elles jetèrent dès lors les bases d’un établissement qui prend chaque jour un sensible développement. Le village, bâti au-dessous du camp, est peuplé, comme tous les centres européens, de cabaretiers, de petits marchands ou de cultivateurs. L’ancien bordj turc et les
Halte à la fontaine. — Dessin de Stop d’après un croquis du commandant Duhousset.
constructions nouvelles constituent un solide établissement militaire : une ligne à crémaillère, transversale à la vallée, protége le fort et le village contre tout coup de main et vient se relier au bastion sud-est des fortifications. L’enceinte bastionnée du fort renferme des bâtiments qui, suivant les circonstances, peuvent servir de magasins, d’hôpitaux ou de casernes. Une garnison de mille hommes avec tout son accessoire en personnel et en matériel y serait facilement installée[1].

« Tout cet ensemble de constructions se trouve sur un des points culminants du col ; le village et le fort ont pour trait d’union le jardin des zouaves, ainsi nommé parce que les pioches de ces militaires, leur sueur et leur intelligence l’ont fait ce qu’il est aujourd’hui. Sous le canon de la place se tient tous les samedis le marché du Sebt, très-fréquenté et abondamment pourvu de tout ce qui peut intéresser les populations environnantes : bestiaux, chevaux, mulets, étoffes, armes, fers, laines, cuirs, etc., tout s’y trouve, jusqu’aux aiguilles et aux petits miroirs de juif ambulant. Le mamelon de Tizi-Ouzou, comme tous ceux que soulève en vagues la plaine du Sébaou jusqu’au djebel Faraoun, est nu comme un nid d’hirondelle. Pas un arbre, pas un arbuste, à peine une rare brous-

  1. Voy. pour plus de détails l’Itinéraire historique et descriptif de l’Algérie, par Louis Piesse, dans la collection des Guides-Joanne.