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Mme Sand, et qui ne ressemble qu’à elle-même. » On peut s’y abandonner à tout l’enivrement de la solitude, comme si l’on était dans quelque région lointaine et infréquentée, et l’on n’est qu’à quelques lieues de Paris ! Les âmes éprouvées par les chagrins ou lassées seulement des agitations fiévreuses de la vie, seront heureuses d’y trouver le calme et la sérénité. On sait comme cette forêt a inspiré l’auteur d’Oberman. Dans le repos du cœur et de l’esprit, dans l’oubli des désirs et des craintes, laissant errer ses regards sur les mille accidents de cette nature agreste, on aimera à s’absorber dans de muettes contemplations, dans de longues rêveries. C’est surtout, perdu au milieu de ses profondes futaies, que l’on subit ce quelque chose de mystérieux qui envahit la pensée et cause une impression indéfinissable, mélange de charme et de vague terreur. Quelques arbres isolés suffisent par leur aspect monumental à éveiller ce sentiment. Ainsi dans la Tillaie, un chêne antique, surnommé le Pharamond, contrebouté d’énormes racines faisant saillies comme des contre-forts, sillonné par la foudre, mutilé, mais portant fièrement encore le poids des siècles, impose au plus haut degré ce sentiment de vénération que l’homme, rapide passager sur la terre, est toujours disposé à accorder aux choses qui ont résisté à l’action du temps. Tels devaient être les arbres des sombres forêts où les Druides accomplissaient, dit-on, leurs sacrifices de victimes humaines !


Le chêne dit : le Charlemagne. — Dessin de feu Desjobert.

Rien n’égale la majesté de ces vieilles futaies, telles que celles de la Tillaie du Roi, du Gros-Fouteau, du Bas-Bréau ; cette dernière, traversée par la route de Paris, du côté de Chailly, et par laquelle on abordait autrefois la forêt avant l’établissement du chemin de fer, est de l’aspect le plus imposant, même à ne la voir que de la route ; mais pour en admirer les beautés grandioses et sévères, il faut pénétrer sous ses ombrages, à travers cette foule de chênes gigantesques, aux membrures vigoureuses, rivalisant de force, de stature et d’élévation. La futaie du Bas-Bréau était déjà signalée comme très-vieille par M. Barillon d’Amoncourt, grand maître des eaux et forêts, dans son procès-verbal de visite de l’année 1664. Cette merveilleuse futaie fut, en 1830, condamnée à tomber sous la cognée ; un cri d’alarme jeté par la presse la sauva. On se borna à l’éclaircir.

Hélas ! la forêt de Fontainebleau n’a pas toujours été aussi efficacement défendue ; quelques années après, elle perdait les plus magnifiques futaies : celles de la Mare-aux-Évées, du Déluge, des Érables, etc…, et elle aurait à raconter une longue et lamentable histoire, si à la disparition de ses bois elle ajoutait les dévastations qu’ont fait et que font encore subir tous les jours à ses rochers les exploitations des grès.

Outre la futaie du Bas-Bréau si épaisse, si solennelle quand on l’aborde en sortant des plaines de Chailly, la