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Confluent de la Sulm et du Neckar. — Dessin de Stroobant d’après mature.


LA FORÊT-NOIRE,


PAR M. ALFRED MICHIELS[1],


1867. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


VI


Au lieu de me diriger vers le bloc central du Kniebis, je descendis, comme la veille, le long des Sept-Cuves et j’entrai dans le vallon du Lierbach. À partir du couloir où grondent les chutes, il s’élargit, mais modérément et conserve l’aspect le plus sauvage. Aucune trace d’habitation humaine : on n’a autour de soi que de vieilles forêts, des hauteurs muettes et le torrent bavard dont la faconde ne s’arrête jamais. Ses deux rives forment deux bandes de verdure, qui ne sauraient être plus belles dans les jardins enchantés que décrivent toutes les mythologies. La reine des prés y agite son blanc panache, exhale son odeur d’amande amère ; la berle, aux grandes feuilles vigoureusement découpées, s’étale comme une autre reine des pâquis humides ; l’eupatoire y groupe ses bouquets lie de vin, et l’osmonde royale ou fougère fleurie, plante superbe, déploie magnifiquement ses hautes tiges à rameaux empennés. Je passe sous silence la foule des herbes vulgaires. Les sapins et les hêtres, la plupart du temps, se tiennent à une respectueuse distance du Lierbach ; mais çà et là, quand la gorge s’évase et forme un petit bassin, des arbres se sont postés sur les deux rives, comme un bataillon d’éclaireurs. L’éternelle humidité qui les baigne communique à leur verdure un frais éclat, dont le langage ne peut donner une idée : le soleil plonge avec peine quelques rayons d’or à travers leur épais feuillage. Mais rien ne frappe l’imagination comme les amphithéâtres déserts qu’on aperçoit, de loin en loin, par les interruptions de la double chaîne. Des végétaux séculaires peuplent tous les étages de ces grands cirques ;

  1. Suite. — Voy. pages 209 et 225.