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nable. Le lendemain, la couche glacée était devenue si profonde, que l’on me dissuade de continuer ma route à pied. L’hôte m’assura que je me mettrais en péril si je voulais traverser le Kniebis sans autre guide que ma carte, et sans pouvoir espérer de secours s’il m’arrivait malheur. Je pris donc un traîneau pour franchir les passages les plus rudes, et, quelques minutes après, je vis les maisons blanches et noires s’effacer derrière moi. Les grelots du cheval, le bruit de la neige froissée par le véhicule résonnaient dans l’immensité du désert. Pas un croassement, pas une plainte, pas un rayon de soleil, mais une atmosphère brumeuse sur des hauteurs livides ;
Place du marché, à Schaffhouse. — Dessin de Stroobant d’après nature.
çà et là des masses de rochers, dont les formes se dessinaient à peine, comme celles d’un cadavre sous les plis du drap mortuaire ; puis, sur toutes les crêtes, sur toutes les pentes, dans tous les abîmes, des forêts glacées, blanches, roides, immobiles, pareilles à la végétation d’une planète hyperboréenne. Le moindre vent, qui balançait les rameaux, leur donnait une physionomie plus singulière encore. La neige glissait de branche en branche, d’étage en étage ; chaque flèche pyramidale semblait une cascade, et l’on aurait cru voir des millions de fontaines ruisselantes.

Alfred Michiels.

(La suite à la prochaine livraison.)