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Mason de paysan dans la Forêt-Noire. — Dessin de Stroobant d’après nature.


LA FORÊT-NOIRE,


PAR M. ALFRED MICHIELS.


1867. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


I


Elles étaient devant moi, dans leur majesté gracieuse et tranquille, ces montagnes pastorales, qui courent vers le nord comme un dernier prolongement des Alpes, ou, pour mieux dire, qui vont s’exhaussant du nord au sud comme les premières pentes de cette chaîne prodigieuse, comme les premiers gradins de ce gigantesque amphithéâtre ! Leurs lointaines vallées se creusaient sous le soleil, baignées de ses rayons d’or, estompées d’une brume légère, diaphane, presque imperceptible ; de grandes plaques de neige étoilaient encore les sommets, comme des couronnes de diamants ; et l’odeur embaumée des sapins, les aromes fortifiants des hautes prairies m’étaient apportés par la brise, salut amical, invitation bienveillante de la nature, dont les montagnes sont le dernier asile.

J’allais entrer dans la petite ville d’Achern. Une ville ! on m’aurait dit que c’était un bourg, un village, un hameau, je l’aurais cru. Pourquoi toutes les villes ne sont-elles pas ainsi faites, et pourquoi les hommes se parquent-ils à grands frais dans ces amas de pierres où l’on étouffe ? Quel silence ! quelle propreté ! Je ne vois d’abord que des hirondelles, qui poursuivent les cousins et les mouches. Elles vont, elles viennent, elles rasent la terre, elles effleurent Les vieux murs où logent les insectes, elles se croisent dans les carrefours. On dirait, quand elles se rencontrent, qu’elles se communiquent d’importants messages. Elles volent d’ailleurs d’un air empressé, comme si elles n’avaient pas de temps à perdre. Les maisons muettes, avec les vignes de leurs façades, avec les pots de fleurs qui ornent leurs croisées, semblent les demeures d’une population disparue ou endormie pour cent ans. Je pourrais me croire dans la cité des oiseaux.

Enfin je découvre au bout de la rue un passant qui