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mon départ de la Nouvelle-Calédonie, j’avais proposé à M. le gouverneur d’envoyer à Fitzroy, province de Queensland, vingt tonneaux de ce minerai pour en faire l’essai : j’ignore si ce projet a été mis à exécution.

L’île des Pins, dépendance de la Nouvelle-Calédonie et située à trente milles dans son prolongement sud, est presque exclusivement formée de ce minerai.

Découverte par Cook, dans les derniers jours de septembre 1774, cette île dut le nom qu’il lui donna et qu’elle a gardé à l’abondance des pins (araucaria), variété dite de Norfolk, qui revêtaient sa surface.

Pendant la journée nous passâmes devant la belle baie de Nakety, dont les bords sont entourés de forêts où l’on exploite des bois de construction de première qualité. Les terrains sont aussi très-fertiles autour de cette baie, et se prolongent jusqu’à Napoléonville ou Kanala, où s’établit en ce moment une petite cité.


Pêcheur indigène (baie de Kanala). — Dessin de Loudet d’après une photographie.

Nous entrâmes dans la baie de Kanala pour y passer la nuit. Cette baie est un long canal de cinq ou six milles de profondeur qui s’élargit à l’entrée, pour former un vaste port ; une belle rivière vient s’y jeter, après avoir arrosé de spacieuses et fertiles contrées, où sont déjà établis bon nombre de planteurs. Un poste militaire de cinquante hommes, commandé par un capitaine, est chargé de veiller à la sûreté des colons, car une tribu nombreuse et puissante habite ce pays. Les soldats travaillent en même temps à l’établissement de rues, de routes, enfin à tous les ouvrages que réclament le bien-être public et l’industrie naissante de cette contrée.

Je parlerai plus tard de cette ville et des plantations qui l’entourent : dans cette première excursion, je n’eus pas le loisir de la visiter.

À partir de Nakety et de Kanala, l’île prend un aspect différent : aux montagnes ferrugineuses du sud ont succédé des paysages plus moelleux, le sol est généralement plus fertile, la végétation plus puissante, plus riche ; le cocotier, ce présent fait au pauvre sauvage par Dieu même, se presse de toute part, élevant au ciel son tronc droit et flexible, chargé de ses précieuses noix ; le long de la côte les villages kanaks sont nombreux, peuplés, et remontent assez loin dans l’intérieur sur les bords des rivières. Quoique légèrement plus foncé que dans le sud de l’île, le naturel est ici plus grand, plus beau, mieux fait ; mais il y est aussi trop souvent affligé d’une maladie bien plus rare dans le sud, l’éléphantiasis et d’une espèce. d’hydrocèle.

Dans l’après-midi nous jetions l’ancre devant Houagap, après avoir passé devant l’Île d’un seul arbre, sur laquelle est un pin isolé d’une grande hauteur : on le voit de très-loin en mer et il sert pour l’atterrissage. Cet arbre avait été signalé par Cook, il y a près d’un siècle.

La situation de Houagap est favorable à des établissements d’agriculture. Il y a au bord de la mer, une large bande de terrain, plantée de cocotiers et arrosée par une belle rivière, la Tiwaka, qui s’enfonce dans une vallée très-fertile, habitée par les indigènes jusqu’à six ou sept lieues dans l’intérieur. Le port, quoique peu sûr pendant un coup de vent, est assez vaste ; déjà plusieurs colons y sont établis.

Jules Garnier.

(La suite à La prochaine livraison.)