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Calédonie, de choisir, s’il le peut, son lot dans ces terrains abandonnés et de l’acheter directement au gouvernement ; il sera sûr d’avoir ainsi une propriété de première qualité et bien arrosée. À défaut d’un lot de ce genre, il devra chercher une terre contenant le magnagna, plante bien connue dans la Nouvelle-Calédonie, et qui est l’indice d’une bonne nature de sol : on la nomme bahite dans le Nord. C’est une légumineuse. Elle rampe à terre comme une liane ; on la coupe au moyen d’un hache-paille en petits fragments et on la donne aux chevaux ou aux bœufs de travail ; pour les premiers, cette herbe remplace jusqu’à un certain point les céréales. Elle forme la base d’excellentes prairies, et les chevaux maigres, affaiblis à la ville par le travail et la mauvaise nourriture, mis en liberté dans ces excellents pâturages, ne sont plus reconnaissables au bout d’un mois, tant ils ont pris d’embonpoint et de vivacité. On pourrait dire du magnagna ce que l’Arabe dit de l’orge : « Si ce n’étaient les juments qui font les chevaux, ce serait le magnagna. » Malheureusement cette plante, si l’on n’y prend garde, ne tardera pas à disparaître ; elle est déjà devenue rare dans la presqu’île de Nouméa ; et, même sur des points très-fréquentés des troupeaux, elle a complétement disparu. Il serait de l’intérêt bien entendu des propriétaires, non-seulement de veiller à la conservation de cette légumineuse, mais encore à sa reproduction au moyen de semis.


Indigène, chef de l’île Ouen. — Dessin de Loudet d’après une photographie.

La racine du magnagna est très-recherchée par les kanaks ; elle atteint la grosseur d’une betterave ; ils la font cuire sous la cendre ; elle devient alors filandreuse, et donne à la mastication des sucs très-doux, farineux et nourrissants.

Les kanaks tirent encore parti des tiges traçantes de cette plante pour la confection de leurs filets de pêche.

Je terminerai ce chapitre en disant que le Mont-d’Or renferme des gisements de minerai de chrôme de première classe, qui n’ont pas encore été exploités, bien que leur transport jusqu’à la mer soit des plus faciles ; ils pourraient être transportés à très-bas prix en Europe par les bâtiments de commerce qui approvisionnent la colonie et qui sont toujours obligés au départ d’acheter du lest à dix francs environ la tonne.


VII


Différents aspects de la Nouvelle-Calédonie. — Relation entre ces aspects et la constitution géologique du sol qui y correspond. — La baie du Sud. — Flore et faune.

La Nouvelle-Calédonie se compose généralement de chaînes de montagnes, de chaînons et de pics plus ou moins isolés ou groupés. Les seules plaines qu’on y rencontre sont formées par les deltas des grandes rivières aboutissant à la mer, après de longs circuits au pied des montagnes de |intérieur.

Quoique les lignes de faîte des chaînes montagneuses aient des directions très-variables, on remarque bientôt que la direction dominante est du nord-ouest au sud-est. Ces montagnes changent complétement d’aspect suivant que les roches qui les composent varient elles-mêmes, et ce fait ici est tellement saillant qu’il peut à lui seul, dans quelques cas, permettre à un œil exercé de désigner à l’avance le genre de roches dominantes. Ainsi les roches serpentineuses éruptives forment des sites désolés, des terrains bouleversés, abrupts, difficiles à la marche, recouverts ordinairement d’une maigre argile rouge au milieu de laquelle végètent çà et là quelques bouquets d’arbustes chétifs, à demi morts, aux branches dures, noires, sèches, cassantes, étalant à peine à leur extrémité quelques feuilles jaunies. Cependant, après avoir glissé d’abord sur ces surfaces argileuses, les eaux des pluies les ravinent, et finissent par former de petits cours d’eau le long desquels se développe une végétation vigoureuse, abondante, inextricable ; à mesure que l’on descend vers la mer, les ravins se changent en spacieuses vallées.

Tous les sites où dominent les éruptions serpentineuses, sont peu fréquentés ; ils n’ont d’autres habi-