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Je fis le plus grand honneur au bœuf salé, aux pommes de terre, au beurre frais et aux bananes qui m’étaient si libéralement offerts ; puis, ayant ainsi réparé mes forces, je songeai à l’emploi du reste de ma journée. Je me décidai à poursuivre ma route jusqu’à Koé. J’informai de mon projet la domestique australienne qui m’avait servi, et je la priai de vouloir bien m’indiquer la route que je devais suivre. Cette jeune fille essaya de me dissuader de mon dessein ; elle m’objectait que sans guide je serais probablement dans l’impossibilité de suivre le véritable sentier au milieu de tous ceux qui le croisent sans cesse ; j’insistai, cependant ; alors me montrant une montagne élevée à l’horizon, elle me dit : « Dirigez-vous toujours de ce côté, c’est le mont Koghi et Koé est au pied. »


Travailleur indigène. — Dessin de A. de Neuville d’après une photographie.

Je la remerciai et m’enfonçai vaillamment dans les hautes herbes qui bordaient le sentier ; ce n’était pas sans un peu d’inquiétude, car, si le matin je m’étais égaré dans un pays plus fréquenté, les chances devaient m’être beaucoup plus contraires en pleine brousse.

J’étais parti depuis une demi-heure à peine et déjà vingt sentiers divers s’étaient présentés devant moi ; je ne pouvais plus avoir la prétention d’être dans le véritable. Évidemment celui ou j’étais engagé ne se dirigeait pas vers le mont Koghi, au pied duquel était Koé.

Je tombai alors dans une faute dont tout voyageur en pays tropical doit se défendre : je quittai tout sentier. Ce fait, insignifiant peut-être à première vue, a une importance réelle, car un sentier mène toujours à un gîte quelconque, sinon à celui que l’on cherche ; tandis que dans la brousse on éprouve une fatigue extrême à se mouvoir au milieu des hautes herbes, on se heurte à chaque instant contre les roches ou les troncs d’arbres qu’elles cachent ; on rencontre des fourrés épais que