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viendra la marée, cette coque obstinée se soulèvera d’elle-même,

La terre apparaît à une demi-lieue de là, claire et distincte. Voir la terre si près de soi, souhaiter d’y descendre et être forcé de rester à bord, c’est éprouver quelque chose de la souffrance de Tantale. C’est avoir, comme lui, le fruit et l’eau à portée de sa bouche, sans pouvoir mordre à l’un ou se désaltérer à l’autre. Pour dissiper l’ennui qui déjà nous obsède, nous allons pousser en idée une reconnaissance dans la rivière des Tocantins[1], dont la largeur à cet endroit est telle, que nous ne découvrons de ses bords qu’une bande de terre qui doit appartenir à sa rive droite.


Végétation du canal d’Igarapé-Miri.

Tout élève en géographie sait, comme nous, que le Tocantins et son principal affluent, l’Araguay, naissent des versants septentrionaux du faîte de partage de la Sierra de Santa-Martha dans la province de Goyaz, coulent parallèlement du sud au nord sur une étendue d’environ douze degrés, reçoivent l’un et l’autre, en chemin, force tributaires sans importance, et opèrent leur jonction par cinq degrés de latitude. À partir de ce point la double rivière prend et garde le nom de Tocantins, sous lequel elle entre dans l’Amazone.

Une première exploration de son cours fut tentée en 1625 par le Capucin Christophe, accompagné de trois religieux de son ordre et de deux laïques. Un de ceux-ci, attaché au chef de l’expédition en qualité de secrétaire, devait écrire sous sa dictée les particularités intéressantes de ce voyage, entrepris dans le seul but de conquérir des infidèles à la vraie foi, comme disent naïvement les auteurs espagnols et portugais du dix-septième siècle. Aucune relation n’en fut faite, que nous sachions. Sortis

  1. Ainsi nommée des Indiens Tocantinos, qui habitaient autrefois près de son embouchure.