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landais. Tupinambas et Tucujus s’entre-égorgèrent donc pour la plus grande gloire de leurs maîtres, et cela avec tant de rage et d’acharnement, qu’il en fut d’eux comme des rats myophages du docteur Magendie, qui s’étaient dévorés l’un l’autre et dont ce savant ne retrouva plus que les queues.

Les Hollandais chassés de l’Amazone et la province du Para pacifiée, les Portugais songèrent à explorer l’intérieur du Xingu. Trois villages, Veiras, Pombal Souzel, furent édifiés sur ses rives. Dès l’année 1624, des religieux de l’ordre du Carmel avaient fondé près de son embouchure, à l’endroit appelé Maturu, un village-mission qui garda ce nom pendant plus d’un siècle. Le décret de 1755-58 fit de ce village la ville de Porto de Mós.

C’est à l’entrée du Rio Xingu, qu’en 1664, Pedro da Costa Favella fit halte et attendit le renfort de troupes que lui envoyait le gouverneur du Para, Rui Vaz de Siqueira, pour mener à bien la sanglante expédition de la rivière Urubu. C’est également sur les plages du Xingu que fut fait, en 1710, le premier essai de labourage avec charrue, dont les pays de l’Amazone ont conservé le souvenir. Si le blé portugais jeté dans le sillon ne donna pas d’épis, la faute en est, vous dira-t-on, aux Pezus et aux Inambus, gallinacés goulus qui le mangèrent.


Ville de Gurupa, rive droite du Bas Amazone (vue prise du large).

Des vingt et une castes de Peaux-Rouges qui peuplaient autrefois l’intérieur du Xingu, à partir de son embouchure jusqu’à ses sources, la caste Yuruna (hodiè Juruna) dont il existe encore des représentants, vaut seule la peine d’être mentionnée pour son habileté à tisser le coton, à extraire une huile du palmier Ahuassu et à voler les enfants des tribus voisines pour les vendre aux passants qui traversent son territoire. Les Yurunas n’ont pour tout vêtement qu’un ceinturon d’écorce de tahuari ; ils portent la chevelure en queue de cheval, s’épilent les sourcils et les paupières, noircissent la partie supérieure de leur visage et se font des colliers avec les dents de leur prochain. Comme les Mundurucus du Tapajoz, ils coupent la tête de l’ennemi qu’ils ont abattu, l’exposent à un feu doux, et quand elle est convenablement desséchée, la badigeonnent de rocou, lui mettent des yeux postiches et la vendent aux riverains de l’Amazone qui la revendent à un négociant du Para, lequel à son tour l’expédie en Europe à quelque amateur forcené d’histoire naturelle. Dans le Xingu, une tête ainsi préparée représente une valeur d’environ dix francs en objets de quincaillerie. En Europe, elle vaut cinq cents francs.

Les us et coutumes des Yurunas rappellent à la fois ceux des indigènes de la Plaine du Sacrement et des Ticunas du Haut Amazone. Comme les Conibos, ils enterrent leurs morts dans un coin de leurs huttes, et les exhument au bout d’un certain