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chassent le moins, d’abord parce qu’ils trouvent sa chair mauvaise et qu’ils font peu de cas de sa fourrure, ensuite parce qu’ils le prétendent issu de leur démon Jurupari, qui jadis le pétrit avec sa propre fiente ; de là, le qualificatif de biche-diabo — animal-diable — donné par eux à ce félin, qui à l’audace, à la force, à la férocité, ajoute la malice et la ruse de l’esprit des ténèbres. Ainsi, disent-ils, le Jaguar est particulièrement friand de poisson et sa manière de le prendre sans filets et sans hameçons, prouve jusqu’à l’évidence que le démon lui vient en aide. Pour cela, il fait choix d’un arbre tombé en travers de la rive, va s’accroupir à son extrémité, et, de temps en temps fouette l’eau de sa queue pour imiter la chute d’un fruit mûr. Ce bruit trompe le Paco, le Pira-Arara et le Surubi, qui croient qu’une drupe de palmier ou un gland de quercus, s’est détaché de l’arbre et accourent pour le gober. Mais à peine un de ces crédules poissons montre-t-il sa tête à fleur d’eau, qu’un coup de griffe du Jaguar l’atteint et le rejette sur la rive.


Le jaguar pêcheur.

Souvent c’est la grande tortue que le félin surprend sur une plage et retourne le ventre en l’air ; de sa patte gauche il pèse sur elle et l’empêche de se mouvoir, tandis que la droite, qu’il introduit entre la carapace et le plastron de la bête, en arrache par lambeaux les membres palpitants.

La prodigieuse agilité du singe ne le sauve pas toujours de la dent du Jaguar, qui le poursuit de branche en branche jusqu’au sommet des arbres et s’élance sur lui sans s’inquiéter d’une chute de quelque trente pieds, qu’il amortit d’ailleurs à la façon de nos chats domestiques, en tombant sur ses quatre pattes.

Cramponné des dents et des ongles au dos du tapir qu’il a surpris à l’abreuvoir, le jaguar se laisse emporter par lui à travers les fourrés, plonge dans la vase ou dans l’eau avec le pachyderme, le déchire tout en fuyant et finit par lui briser la nuque.

Paul Marcoy.

(La suite à la prochains livraison.)



    très-mouchetés. — Yahuaraté-macakiñho, individu de très-petite taille, à pattes jaunes, à robe claire, zébrée de brun.