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Nhamondas sont des noms modernes ou peu s’en faut. Au temps où Faro, humble village indien, était situé dans l’intérieur de la rivière Nhamondas, à huit lieues de son embouchure, il avait nom Paru. En l’édifiant dans le voisinage de l’Amazone, on l’appela Paro, et enfin Faro. Un L de plus, il s’appelait Farol, qui veut dire lanterne, et c’eût été fâcheux.

Quant à la rivière Nhamondas, elle portait autrefois le nom de Cunuriz, qui était celui de ses habitants primitifs. À ces Indiens Cunuris, éteints ou disparus, succédèrent plus tard les Néamundas, venus des lacs de l’intérieur. Ces Indigènes, qu’on appela, par élision ou par corruption, Nhamundez et enfin Nhamondas, disparurent un beau jour, laissant, à défaut d’autre chose, leur nom à la rivière.

C’est devant l’embouchure de ce rio Nhamondas que Francisco Orellana et ses compagnons, partis de Quito en l’année 1539 et descendant au hasard l’Amazone, furent assaillis par une troupe d’Indiens parmi lesquels combattaient quelques femmes. La chose leur parut surprenante, et, de retour en Espagne, ils en parlèrent avec admiration. Mais, comme il arrive de toutes les nouvelles qui vont passant de bouche en bouche, la version primitive d’Orellana fut promptement dénaturée ; au lieu de quelques femmes combattant avec des Indiens à l’embouchure d’un maigre affluent du grand fleuve, ce fut le fleuve même qu’on peupla tout entier de femmes guerrières dont on compara la valeur à celle des Amazones asiatiques.


Le jaguar et le tapir.

En 1744, lorsque La Condamine descendit l’Amazone, il s’arrêta dans la Mission de San Thomé, qui florissait alors à l’entrée du canal Cuchiüara, une des prétendues bouches de la rivière des Purus. Là, notre voyageur eut le bonheur de mettre la main sur un sergent-major d’ordonnance appelé José da Costa Pacorilha, dont l’aïeul, au dire de cet homme, avait vu autrefois, venant de La rivière Cayamé [1], une de ces femmes guerrières du Nhamondas, sur lesquelles depuis deux siècles étaient braqués les télescopes de la science et les binocles des savants.

  1. Cette rivière Cayamé, que les cartes espagnoles appellent par erreur Cayambé et que la grande carte de Brué, édit. 1856, nomme Cayama, est un igarapé d’eau noire, large de sept à huit mètres, né dans l’intérieur des forêts et que l’Amazone reçoit par la droite. entre les lacs de Teffé et de Juteca. Une distance d’environ cent quatre-vingt-sept lieues en ligne directe, sépare ce ruisseau de la rivière Nhamondas.

    Durant nos diverses stations dans les villes et les villages de l’Amazone, nous avons fait appel aux lumières de bien des gens et feuilleté bon nombre de vieux manuscrits, pour savoir ce que pouvait faire dans le Rio Cayamé, isolée de ses compagnes et à une si grande distance d’elles, l’Amazone citée par La Condamine. Mais les gens, pas plus que les paperasses, ne nous ont rien appris à cet égard.