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rhubarbe qui caractérisent ce coco local, les consommateurs du pays le boivent sans sucre.

Pour en finir une bonne fois avec le Madeira et les souvenirs de tout genre qui s’y rattachent, disons que pendant longtemps il ne fut connu des Portugais que par la relation qu’en avait fait Pedro Teixeira à son retour de Quito. Quelques années après le passage de l’aventureux capitaine, les Tupinambas, comme nous l’avons dit précédemment, avaient été expulsés du lac Vaïcorapa et exilés dans la ville de Boim ; deux Missions fondées par les Jésuites avaient réuni les Abacaxis, les Canumas et les Maüès ; mais nulle exploration de l’intérieur du Madeira n’avait encore été tentée. On ne connaissait de lui que la partie comprise entre son embouchure et l’entrée du canal Uraïa ; un trajet de dix lieues.

En 1716, un capitaine Joao de Barros da Guerra remonta pour la première fois cette rivière jusqu’à sa jonction avec le Jumary, un de ses affluents. Ce voyage, entrepris dans le seul but de réprimer les hostilités qu’exerçaient les Indiens Turas contre les deux Missions d’Abacaxis et de Maüès susdésignées, fut fatal au capitaine Joao de Barros qu’un arbre écrasa dans sa chute ; mais il avait eu le temps d’exterminer une moitié des Indiens Turas, de mettre en fuite l’autre moitié, et l’idée d’avoir servi en cette occasion son Dieu, son pays et son Roi, dut adoucir l’amertume de ses derniers moments.

En 1725, une seconde exploration du Madeira fut entreprise par un sergent-major Francisco de Mello Palheta, qui remonta cette rivière jusqu’à l’embouchure du Rio Cayuyabas, affluent du Beni, releva la direction de son cours, détermina la position de ses douze cachociras ou rapides[1], et donna à chacune d’elles un nom portugais, mais baroque, comme c’était son droit[2].


Ville de Serpa, rive gauche du Bas Amazone.

Au sergent-major d’ordonnance succéda, trois ans plus tard, un Jésuite du nom de José de Sampaio, qui explora l’intérieur du Madeira, fonda devant le Rio Jumary une mission de San Antonio, y réunit quelques Indiens Turas échappés au massacre de 1716, et continuant son voyage sur le Mamoré, parvint jusqu’aux possessions espagnoles.

L’intérieur du Madeira une fois connu, devint le chemin que suivirent, de préférence à la rivière Tapajoz, les commerçants, les minéralogistes et les aventuriers que la découverte et le renom des mines de Matto Grosso et de Cuyaba, attiraient dans les provinces de ce nom.

En 1756, les Portugais y fondèrent la ville de Borba. Trois fois détruite par les Indiens Muras et trois fois rebâtie sur un nouvel emplacement[3] par les Portugais qui se piquaient au jeu, cette ville alla reparaître une quatrième fois, à vingt-six lieues de l’embouchure du Madeira, sur sa rive orientale, où elle est encore aujourd’hui.

Une bordée courue dans le nord-nord-est nous éloigne de l’embouchure du Madeira, devant laquelle nous avons retenu trop longtemps le lecteur. Notre sloop s’engage dans les méandres de l’archipel Caniny, groupe d’îles séparées par des canaux que les palmiers et les puchiris couvrent de leur ombre. Des pauxis à huppe crespelée et des perruches à croupion rouge habitent

  1. Ces rapides sont dus à un prolongement de la chaîne des Parexis qui traverse le lit du Madeira entre le 9e degré et le 11e, et s’étend dans le nord-nord-ouest au delà de la rivière des Purus. Certains de ces rapides du Madeira ont plusieurs milles d’étendue. On en compte douze sur cette rivière et cinq sur le Guaporé.
  2. Le Saut de Théotonio, — les Monticules, — la Chaudière de l’Enfer, — les Trois Frères, — le Petit Mur, — la Miséricorde, — la Bananière, — le Grand Pieu, — etc., etc.
  3. La première fois elle fut édifiée dans l’intérieur du Rio Jupary, la seconde à l’entrée du Rio Giparana, la troisième à lendroit appelé Praxiaon, la quatrième et dernière fois, sur l’emplacement de l’ancien village de Trocano fondé par les Jésuites.