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habitent sur les bords de cet affluent de l’Amazone, les villages péruviens de Chasuta, Balsapuerto, etc.

R. Javary. — Mayorunas, Marahuas.

R. Jandiatura. — Quelques Indiens Culinos vivent aux alentours de son embouchure et des Huaraycus sont établis dans le voisinage de ses sources.

R. Iça ou Purumayo. — Un petit nombre d’Indiens Yuris, Passés et Barrés, à demi civilisés, habitent encore les bords de cette rivière ; les Yahuas l’ont abandonnée depuis longtemps pour aller vivre sur les rives d’un de ses affluents, le Rio de los Yahuas. Ce que nous avons dit ailleurs de ces indigènes est suffisant et nous n’avons pas à y revenir. La nation des Macus, établie autrefois sur les bords de la rivière Iça, erre aujourd’hui dans les forêts du Japura.

R. Tunati ou Tunantins. — Dépeuplé.

R. Jutahy. — Un petit nombre d’Indiens Marahuas, Culinos et Buruhés sont échelonnés sur sa rive droite.

R. Jurua. — Quelques familles d’Indiens Anahuas (anciens Nahuas) habitent dans le voisinage de son embouchure ; des Indiens Catahuichis succèdent à ceux-ci. Un petit groupe détaché de la nation Nahua vient à leur suite ; des Indiens Catukinos habitent aux alentours de ses sources.

R. Teffé. — Dépeuplé.

R. Japura. — Quelques Indiens Muras groupés autour des lacs de son embouchure. Dans l’intérieur, cinq à six tribus formées par le démembrement de la nation Mirañha. Des Indiens Macus errant dans les forêts de sa rive gauche et près de ses sources, le groupe assez nombreux des Umaüas-Mesayas, débris de la grande nation Umaüa.

R. Coary. — Dépeuplé.

R. des Purus. — Quelques Indiens Muras et un très-petit nombre de Purus-Purus habitent encore la partie inférieure de son cours ; des Catahuichis, des Catukinos et des Sehuacus, s’étendent jusqu’à ses sources.

Rio Negro. — Tous les descendants de la nation Manao, croisés avec la race portugaise ou avec des castes indigènes, sont depuis longtemps chrétiens et civilisés ; de la nation des Üaüpès (hodiè Uaopés) une des plus nombreuses du Rio Negro, sont sorties les deux tribus des Cubeos et des Ipécas-Tapuyas ou Tapuyas-Canards qui vivent à l’état de nature et assez avant dans l’intérieur. Des Indiens Guaribas, dont le nom s’est changé avec le temps en Guaribobocas, habitent également dans le voisinage des sources du Rio Negro.

Si des lieux et des hommes, nous passons aux produits du sol, nous remarquerons que certains d’entre eux sont devenus rares dans les forêts du Haut Amazone et que d’autres en ont disparu ; les résines, les baumes, les huiles, les gommes, les plantes textiles, tinctoriales, médicinales abondaient autrefois sur les deux rives du grand fleuve ; de nos jours leur disparition ou leur rareté oblige les commerçants des villages Amazoniens à envoyer une ou deux fois par an dans l’intérieur des rivières Javary, Napo, Iça, Jurua, Purus, un assez grand nombre de Tapuyas à la recherche de ces produits ; ces individus s’abouchent avec les naturels et se font aider par eux dans leur exploration et leur récolte végétales ; des haches, des couteaux, des hameçons sont le salaire habituel de ces travailleurs. Or, une manie propre à l’indigène, c’est d’abattre l’arbre et l’arbuste pour en cueillir le fruit et d’arracher la plante pour en avoir les tiges ou les feuilles. De cette manie est résulté à la longue l’appauvrissement ou l’extinction de certaines espèces. La salsepareille est de ce nombre. Aujourd’hui les alentours de l’Amazone sont si bien dépourvus de cette smilacée, que les riverains pour en approvisionner nos marchés d’Europe, sont forcés de remonter vers les sources des affluents du fleuve[1]. En 1860, une de ces expéditions commerciales composée de douze égaritéas et de cent individus, explora pendant neuf mois la rivière Jurua et ses tributaires et revint à Ega rapportant pour tout butin soixante et un quintaux de salsepareille.

L’installation d’un service de bateaux à vapeur sur l’Amazone, en rapprochant les distances et multipliant les rapports commerciaux, n’a fait qu’ajouter aux moyens de destruction employés par l’homme. Déjà l’on peut prévoir que, dans un temps donné, la salsepareille aura disparu du Brésil ou y sera soumise à une culture réglée comme le cacao, cet autre produit spontané de son sol. Autrefois cette byttnériacée abondait dans les forêts du fleuve ; aujourd’hui on ne la trouve guère que dans celles de l’intérieur et du côté de la limite équatoriale, où de petits commerçants vont encore la chercher. C’est pour obvier à sa disparition complète sur certains points et à sa rareté sur d’autres, que les Brésiliens ont établi le long du Bas Amazone, à partir de Villa Nova sur la rive droite du fleuve, jusqu’à Cameta sur la rivière Tocantins, les grandes plantations de cacao qu’on peut voir en passant.

Ce que nous disons des produits sylvestres de l’Amazone, peut s’appliquer aux espèces animales confinées dans ses eaux. Longtemps l’homme rouge ne pêcha que pour se nourrir ; puis l’homme blanc est venu et a péché pour sa nourriture et poux ce qu’il nomme : les besoins du commerce ; de ce double emploi et des moyens destructifs employés par l’individu pendant plus de deux siècles, est résultée une effrayante diminution des cétacés et des poissons du fleuve. De nos jours, quelle pêche faite en commun par toutes les populations riveraines, produirait en une quinzaine, comme aux premiers temps de l’occupation portugaise, dix mille pira-rocou et quatre mille lamantins ? Ces chiffres si exorbitants qu’ils paraissent, ne sont pourtant que le produit, à cette époque, de la pêche d’un seul village !

Traqués sans relâche sur le fleuve, lamantins et pira-rocou se sont réfugiés dans ses affluents et dans les lacs de l’intérieur ; mais les pêcheurs-commerçants les ont suivis dans ces retraites et le massacre de leur espèce a recommencé de plus belle : toutefois le résultat de

  1. La salsepareille que le Brésil expédie aujourd’hui en Europe lui vient en grande partie des possessions espagnoles. Les habitants de la Plaine du Sacrement, des villages du Marañon, du Huallaga, de l’Équateur, de la Colombie, où cette plante abonde encore, la recueillent dans leurs forêts et l’apportent par le Haut Amazone, le Napo et l’Iça, aux commercants de Cayçara, Ega, Coary et la Barre du Rio Negro qui l’expédient au Para.