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ville : le reste, mis aux fers, était entassé dans les prisons.

Les troupes régulières s’étant remises à piller, laissèrent plusieurs jours tous ces cadavres sans sépultures ; puis on finit par les jeter dans des fosses sur lesquelles on alluma de grands feux. Mais il était trop tard. On était à la fin de la saison des pluies, époque insalubre dans tous ces pays : la décomposition de tous ces débris humains engendra une épidémie meurtrière, qui moissonna largement la population déjà si décimée. Le gouverneur, Ibrahim-bey, fut du nombre des victimes.


Lisara (voy. p. 390). — Dessin de E. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Quant aux malheureux qui remplissaient les prisons, mes notes ne disent rien sur le châtiment qui les atteignit. J’ai lu dans un journal que la plupart ont été vendus à l’encan, genre de pénalité non prévue par les codes militaires.

Et maintenant, quelle est la moralité de ce récit ? Je ne vois pas, il est vrai, la nécessité qu’un drame historique ait une moralité quelconque. Si toutefois on tient à en dégager une, voici celle que je propose : De tous les modes de réorganisation militaire, le plus mauvais est d’aller voler des nègres à main armée pour en faire des champions du drapeau national : et quand on a été assez mal inspiré pour recruter des hommes par cette voie-là, il est au moins convenable de les payer et de les nourrir.

Guillaume Lejean.