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oreiller. Le matin au réveil, il trouve le gombo vide et les armes disparues. Pendant qu’il rassemble à grand’peine ses souvenirs et ses conjectures, un messager lui est amené porteur de ce compliment :

« Votre hydromel est excellent, mais vous le gardez mal. J’ai pris vos deux fusils, et je vous en renvoie un. Je vous renverrais bien aussi l’autre, mais il me plaît fort, et je pense que vous ne trouverez pas mauvais que je le garde en souvenir de son propriétaire dont j’aurais pu, cette nuit, emporter la tête.

« Balgada Aroea. »

En 1841, Balgada fut, pendant quelques mois, roi du Tigre, et j’ai l’original de la lettre par laquelle il notifia son avénement au vice-consul de France à Massaoua, en manifestant le désir d’entrer en relations régulières avec la France. Mais avant que ces ouvertures (dues probablement aux bons conseils de Lefèvre et de Schimper) eussent été acceptées, Balgada détrôné était redevenu un officier de fortune. Ses anciens amis, jaloux de son avénement, s’étaient empressés de le trahir et de faciliter le retour d’Oubié.


Cavalier abyssin (voy. p. 354). — Dessin de Émile Bayard.

Quand Oubié, à son tour, succomba dans sa lutte contre Théodore, en 1855, le vainqueur trouva de bonne politique de mettre à la tête du Tigré le soldat populaire, et donna ce riche gouvernement à Balgada. Sans doute celui-ci, dont la prudence n’était pas la vertu dominante, eut des velléités de pouvoir indépendant, se compromit en paroles ou en actes, car un jour vint où Theodore lui manda de le venir trouver.

Balgada se dit :

Sans doute le négus va me demander compte de mes actes, de mes alliances, de mes sympathies, et peut-être