un moka — plus ou moins apocryphe — loin de l’œil du médecin.
Bien mieux, on se réunit au salon le dimanche matin pour tirer une loterie au profit des pauvres ; on y fait de la musique tous les soirs ; on y danse le dimanche et le jeudi, et de temps en temps la troupe de comédie du département vient y donner des représentations ainsi qu’aux thermes nouveaux.
Un scrupule nous arrête. Ne convenait-il pas de commencer par dire ce que peut signifier le mot Plombières ?
Dans certaines vieilles
chartes, Plombières
est appelée Plumières ;
d’où dom Calmet conclut
gravement que c’est
parce qu’on fabriquait
en ce lieu des vêtements
brodés en plumes, ou
que Plombières était renommée
par ses plumassiers.
« À moins cependant,
ajoute le savant bénédictin,
que l’ancien mot
Plumières ne soit venu
de l’usage qu’on a dans
ce pays de plonger les
volailles dans l’eau
chaude, afin de les plumer
plus facilement, ou
Le bain romain. — Dessin de H. Clerget d’après nature.
bien encore que Plombières
ne soit une traduction
tronquée de Palumbaria,
formée de
Palumbus, ramier. »
Dom Calmet a écrit sept ou huit volumes in-fo sur la Lorraine.
Un autre érudit non moins ingénieux rappelle qu’au moyen âge, le 1er mai, les jeunes filles décoraient de feuilles et de fleurs les bords de la piscine, et il s’écrie triomphalement :
« Ne voilà-t-il point l’étymologie toute trouvée ! Plombières, c’est Blumbers-Bad, le bain des fleurs ! »
Mais on lui répond : « Tout beau ! Vous faites un barbarisme ! il faudrait au moins écrire Blumen-Bad, et alors vous n’auriez que l’étymologie de Plomb, blume. Que deviendra bières ?
Un auteur plus sérieux dédaigne ces fantaisies et cherche l’étymologie dans la langue celtique « Plombières, dit-il, vient de plon, eau, et ber, chaude. »
Ce ne sont là que des suppositions ingénieuses. La vérité, paraît-il, est que le mot Plombières est d’origine romaine et vient de Plomb.
Les anciens distinguaient six espèces d’eaux médicinales : les eaux d’or, les eaux d’argent, les eaux de fer, les eaux d’airain, les eaux de cuivre et les eaux de plomb.
Or, au seizième et au dix-septième siècle, alors que la science était loin d’avoir acquis cette certitude d’expérimentation qu’elle possède aujourd’hui, on croyait que, dans la composition des eaux de Plombières, il entrait une certaine quantité de plomb.
C’est l’opinion de Fuchs ou Fuchsius, qui a publié, en 1542, une Histoire de toutes les eaux. C’est aussi celle de Bartolomeo a Clivolo Viotti, qui dit, dans son Traité des bains naturels, publié à Lyon en 1552 : « Il y a dans les montagnes de Lorraine des bains que l’on appelle Plumbers, voulant dire plombés, vraisemblablement à cause de la grande quantité de plomb qui s’y trouve. » Enfin Camerarius, recteur de l’umversité de Leipzig, qui, dans le seizième siècle, vint se traiter à Plombières des suites d’une chute, et vingt autre écrivains appellent les eaux de Plombières :
« Aquæ Plumbariæ, Plumbenæ, Plubenæ, Plumbinæ ou Plumberianæ. »
Il n’est peut-être pas inutile aussi de rappeler ce que quelques voyageurs illustres ont écrit sur Plombières. Voici deux témoignages, l’un, très-favorable, de notre bon vieux philosophe Montaigne, l’autre, qui ne l’est point, du philosophe de Ferney, que dom Calmet appelait « frère Voltaire[1]. » Le lecteur choisira, mais il sait à l’avance comme nous, que l’on doit toujours être satisfait de Plombières lorsqu’on s’y est bien porté et qu’on a eu le privilége d’y voir régner, pendant toute la saison, un beau temps inaltérable, de même qu’on en sort toujours mécontent lorsque l’on ne s’y est pas guéri de ses
- ↑ Voltaire a fait en vers l’éloge de dom Calmet.