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appelée Yutaï par les indigènes. Les drupes de ce végétal, de la grosseur d’une noisette, sont chères aux huacaris, ces adorables singes au pelage d’un blanc soufré et à la face rouge.

Le cours du Jutahy est parallèle à celui du Jandiatuba que nous avons relevé à peu de distance de São Pablo d’Olivença. Ses eaux sont noires comme celles de ce dernier et la végétation de leurs rives est la même. Si le Jandiatuba a deux îlots dans l’intérieur, le Jutahy, pour contre-balancer cet avantage, a une grande île triangulaire, qui divise son embouchure en deux bras inégaux. Un de ces bras mesure d’une rive à l’autre cinq cent deux mètres ; l’autre deux cent quarante-deux.

Sept affluents d’eau noire grossissent tour à tour le lit du Jutahy qui communique, en temps de crue, à droite, avec le Jurua par la rivière Bia ; à gauche, avec le Jandiatuba par les sources du Mutuanateüa, tributaire de ce dernier.

Quelques familles d’Umaüas habitaient autrefois à l’entrée de la rivière Jutahy, près de l’igarapé Sapo, son premier affluent. Depuis la dispersion de ces indigènes, les Marahuas et les Huaraycus règnent on maîtres sur toute son étendue. Liés d’amitié avec les Culinos du Jandiatuba et les Mayorunas du Javari, ces Indiens profitent pour passer d’un territoire à l’autre, des voies de communication que la nature y a tracées.


Là où la rivière s’interrompt et leur interdit le voyage par eau, ils attachent leur radeau à la rive et complètent le trajet par la voie de terre.


Vue du hameau de San Antonio do Iça.

La chronique des villages de l’Amazone relate, comme un fait merveilleux et surnaturel, l’apparition fréquente dans le voisinage des sources du Jutahy et du Jandiatuba de sauvages vêtus de sacs-tuniques, portant au nez et au cou des pièces de monnaie, voguant dans des pirogues faites d’un seul tronc d’arbre et parlant une langue usitée chez les Espagnols (le quechua). Pour peu qu’on se rappelle nos Indiens de la Plaine du Sacrement et leurs excursions chez les Remos on les Impetiniris de la rive droite de l’Ucayali, le fait merveilleux et surnaturel ne sera plus qu’un fait vulgaire.

À mesure que nous nous éloignons du Jutahy, les îles deviennent de plus en plus nombreuses et les noms qu’elles portent de plus en plus baroques. Que penser, en effet, de Huarumandia, Yérémanateüa, Arasateüa et autres appellations du même genre ? — Disons toutefois que ces îles aux noms farouches eurent pendant longtemps des plages de sable de dix à quinze lieues d’étendue, que les Portugais appelaient Plages Royales et desquelles ils retiraient annuellement de vingt à vingt-cinq mille quintaux d’huile d’œufs de tortues. Ces plages que nous aurons à mentionner de nouveau, en résumant la situation anthropologique et commerciale du Haut-Amazone, ces plages ont été dissoutes en partie par les mêmes courants qui les avaient