Aucun poëte de l’Occident ne l’a chantée. Elle n’a été célébrée que par des bardes indigènes, dont le monde ignore et les noms et les œuvres. La civilisation qu’elle a vue naître, et dont il ne reste plus que certaines formes extérieures, a passé sans laisser de trace dans l’histoire de l’humanité. Ce n’est pas qu’elle n’ait attiré l’attention de la science ; mais que peut-on exiger de plus ? à quoi bon la sortir des portefeuilles des archéologues ? et n’est-ce pas une tentative bien téméraire que de vouloir la produire aux regards de notre société ?
Je me suis fait toutes ces objections, et pourtant, je ne sais si je m’abuse, il me semble qu’un attrait plus profond que l’amour de la science s’attache à l’exhumation des vieilles civilisations, surtout lorsqu’elles ont disparu sans que la nôtre ait subi, ni de près ni de loin, leur influence, et sans qu’elles aient même exercé une action quelconque au dehors de leur domaine national.
Sous ces formes qui nous sont étrangères, nous sommes avides de retrouver le même fonds de passions humaines, les mêmes éléments de vertus et de vices le même drame de la vie, que nous avons observés tant de fois en nous et autour de nous. Ni le lieu de la scène, ni les décors, ni les costumes ne nous rappellent rien de ce que nous voyons ordinairement ; cependant nous nous doutons bien que nous allons assister à une sorte de contre-épreuve de l’homme que nous connaissons, et une voix secrète nous redit l’avertissement de nos vieux fabulistes : « Ami lecteur, c’est de toi-même