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lards, poussant devant eux leurs troupeaux et chargés de leurs richesses rustiques, y accoururent pour triompher d’un inique envahisseur ou mourir libres, en vue de leur terre natale, de leurs bois sacrés et des cimes mystérieuses de leurs vieux volcans.

Mais cette tentative m’entraînerait bien au delà des limites imposées à ce récit ; rentrons dans le cadre des Commentaires.

César, ayant reconnu la place, désespéra de l’enlever de vive force et ne crut pas pouvoir en faire le siége avant d’avoir tranché la question des subsistances en sa faveur et contre l’ennemi.

Vercingétorix, d’autre part, avait assis son camp sous l’oppidum, entre les remparts et un second mur, de six pieds de hauteur qui, suivant à mi-côte une des corniches naturelles de la montagne, faisait complétement le tour de celle-ci.

« … Les troupes gauloises, rangées par ordre de nations à de faibles distances l’une de l’autre, occupaient toutes les hauteurs et présentaient un aspect terrible. Tous les jours, au lever du soleil, les chefs qui formaient le conseil du généralissime se rendaient près de lui, soit pour les communications à faire, soit pour les mesures à prendre ; et lui, ne laissait pas s’écouler de jour sans essayer le courage et la valeur des siens, en faisant combattre sa cavalerie, qu’il entremêlait d’archers. En face de la ville, au pied de la montagne, était une colline bien fortifiée et escarpée de tous côtés : en s’en emparant, l’armée romaine ôtait à l’ennemi les moyens de se procurer de l’eau et du fourrage. Ce poste était gardé par une garnison assez faible. César sortit du camp dans le silence de la nuit, et, chassant la garnison avant qu’elle pût être secourue, occupa le poste, y plaça deux légions, et ouvrit d’un camp à l’autre un double fossé de douze pieds, pour assurer la communication contre toute attaque soudaine[1]. »

Chaîne des Dômes, vue de la base du puy Chopine. — Dessin de H. Clerget d’après nature.

Les vestiges de ce petit camp se sont retrouvés sur le plateau de la Roche-Blanche. De là on a pu suivre ceux du double fossé jusqu’aux restes d’une enceinte plus vaste s’étendant entre le cours de l’Auzon et l’ancien lac de Sarlièvre, desséché il y a deux siècles.

Par ces lignes de près de cinq kilomètres de développement, César croyait avoir fermé le seul chemin qui permît à la cavalerie gauloise du plateau l’accès de la plaine, de l’eau et du fourrage. La ruine complète des chevaux et celle des nombreux troupeaux que renfermait l’oppidum ne devait plus être ainsi qu’une affaire de temps.

Mais le temps s’écoula sans justifier les calculs du général romain, dont la position, au contraire, devenait de moment en moment plus critique ; car tout délai multipliait autour de lui les défections et les soulèvements.

« Or, un jour que s’étant rendu à son petit camp, il examinait en face de lui les lignes ennemies, il les vit avec étonnement fort dégarnies de troupes. » Les rapports concordants de ses batteurs d’estrade et d’un certain nombre de transfuges lui apprirent qu’à l’ouest de Gergovie un col étroit et des hauteurs flanquées de bois et d’escarpements difficiles, mais d’un parcours aisé sur leur ligne de faîtes, avaient jusqu’alors garanti les communications de l’oppidum avec l’intérieur du pays, mais que Vercingétorix, craignant que cette position importante n’attirât enfin l’attention et les attaques des Romains, y avait emmené la plus grande partie de ses troupes pour la fortifier[2].

Cette révélation dicte à César un nouveau plan d’attaque : dès le lendemain, à l’aube, il envoie à son extrême gauche une légion et un corps de cavalerie, inquiéter par de fausses démonstrations les travailleurs

  1. Commentaires, liv. VII, ch. XXXVI.
  2. Commentaires, liv. VII, ch. XLIV.