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des sources de la Miette. L’endroit, fort pittoresque, n’était qu’une plaine couverte de fleurs et qu’entouraient les Montagnes Rocheuses déployées dans toute leur grandeur.

Le lendemain 9 juillet, le chemin était plus facile. Depuis cinq jours déjà, nous étions partis de Jasper-House. Dans la matinée, nous fûmes fort surpris de rencontrer un ruisseau qui se dirigeait à l’ouest. Nous avions donc, sans nous en apercevoir, passé la ligne de séparation des eaux et nous étions entrés dans le versant de l’océan Pacifique.

Dans l’après-midi nous arrivions au lac de la Bouse de Bison[1] où nous vîmes des truites en abondance.

Le 10, nous atteignîmes le Fraser. Il descendait du sud-ouest par une gorge étroite et, à quelques milles plus bas, il se déployait et formait le lac de l’Élan. Notre route longeait la rive droite ou septentrionale du Fraser qui était débordé, et notre marche devint extrêmement embarrassée et pénible. La plus grande partie de la journée fut occupée à marcher dans l’eau ; le reste, à se traîner dans des marais encombrés de futaie renversée.

Le 11 juillet fut pire encore : nous eûmes à passer à gué la rivière de l’Élan, opération difficile : l’eau, dans ses parties profondes, dépassait les épaules des chevaux.

Gorge et lac du haut Athabasca. — Dessin de Bellel d’après MM. Milton et Cheadle.

Nous atteignîmes avant midi le lac de l’Élan ; ses eaux touchaient la base des montagnes qui l’entourent. Ce fut encore une journée employée à marcher dans l’eau, où les chevaux tombaient dans les trous et nageaient au hasard, imbibant d’eau notre farine et notre pemmican. Le soleil se coucha quand plusieurs milles nous séparaient encore de notre but, et nous fûmes forcés de passer la nuit dans une espèce de sablonnière où il n’y avait pas un brin d’herbe pour nos animaux fatigués et affamés. Ils y piétinèrent çà et là toute la nuit, jusqu’au matin.

Le lac de l’Élan est une belle pièce d’eau d’environ quinze milles de long, sur trois milles à sa plus grande largeur. Le paysage est grand et fort sauvage. Sur le bord se brisaient avec tapage des ruisseaux sans nombre. Nous avons donné à cette belle série de cascades le nom de Chutes Rockingham.

La descente du versant occidental était continuelle et fort rapide quoiqu’elle ne fût nulle part escarpée. La végétation se modifiait à mesure que nous entrions dans le bassin du Pacifique. Nous commencions à voir le cèdre et le pin argenté. Nous regardions avec étonnement une espèce d’aralis, une grande liane épineuse, plusieurs genres de rosacées, et quelques plantes annuelles. Dans son ensemble, la futaie était plus élevée et

  1. Ce lac est sur la carte appelé Bouse de Vache, Cowdung, et fait parfois donner au col le nom de Cowduny Pass. (Trad.)