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les collines cultivées, la quantité d’arbres toujours verts qui, de tous côtés, se présentent à la vue, donnent au printemps du Japon un caractère d’austérité que cette fraîche saison ne revêt nulle part au même degré. Et cependant, l’on chercherait vainement ailleurs une floraison plus luxuriante, une végétation printanière plus souriante et plus riche en détails gracieux. Sur les teintes sombres du feuillage des pins, des sapins, des cèdres, des cyprès, des lauriers, des chênes verts, des bambous, qui composent le fond du paysage, des touffes de fleurs et de feuilles aux couleurs éclatantes se détachent le long des haies, dans les vergers et autour des villages. Ici, ce sont les larges fleurs blanches du mûrier sauvage ; là des camélias croissant en pleine campagne et atteignant la taille de nos pommiers ; ailleurs, des cerisiers, des pruniers, des pêchers, pour la

Culture du riz. — Dessin de Émile Bayard d’après une peinture japonaise.

plupart chargés de fleurs doubles, les unes toutes blanches, les autres d’un rouge très-vif, et quelquefois les mêmes branches portant des fleurs rouges et des blanches ; car très-généralement les Japonais, indifférents à la récolte des arbres que je viens de citer, ne les cultivent et ne les greffent que pour en obtenir des fleurs doubles et en varier ou combiner les espèces. Le bambou, que l’on emploie beaucoup comme tuteur, prête souvent son élégant feuillage aux épines fleuries, aux rameaux de jeunes arbres fruitiers sans autre parure que leurs pompons de fleurs. Mais j’aime à le voir surtout lorsqu’il croît par groupes solitaires comme une gerbe de gigantesques roseaux. Rien de plus pittoresque dans le paysage que ces hautes tiges vertes, polies, aux reflets

Culture du riz. — Dessin de Émile Bayard d’après une peinture japonaise.

dorés, à la cime touffue ; et tout autour des colonnes principales, ces sveltes et flexibles rejetons aux têtes empanachées, et cette multitude de longues feuilles flottant au gré du vent comme des milliers de banderoles ondoyantes. Les bosquets de bambous sont l’un des sujets favoris d’études des peintres japonais, soit qu’ils se bornent à en reproduire les lignes gracieuses, les effets harmonieux, soit qu’ils animent le tableau en y ajoutant l’image de l’un ou l’autre des hôtes qui fréquentent ces verdoyants asiles : la frêle libellule, le papillon, les petits oiseaux, et, dans les retraites éloignées des habitations, la fouine, l’écureuil et le singe brun à face rouge.

Les chemins sont bordés de violettes, mais elles n’ont pas de parfum. Le pays ne produit qu’un très-petit nombre de fleurs odoriférantes. Il est remarquable que