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Alors de sa bouche s’échappait une clameur rhythmée, une sorte de mélopée tout à la fois lente, plaintive et stridente, à laquelle ne manquait jamais de répondre par une phrase toute semblable, le buronnier du seuil de son taudis, et le berger du milieu de son troupeau. C’est l’incantation montagnarde, connue sous le nom de la Grande, et qui, à la fin du jour ou de la nuit, tient lieu d’appel ou de salut entre les enfants de la Haute-Auvergne, dispersés sur les crêtes ou séparés par les précipices. Elle ne se compose que de deux ou trois notes, mais accouplées si étrangement et d’une tonalité si grave, si austère, qu’il semble qu’aucune autre combinaison du clavier ne serait, autant que celle-ci, en harmonie avec l’heure qui l’évoque, l’atmosphère qu’elle ébranle et les échos qui la répercute. Cependant peu à peu pendant que nous montions, la pâle blancheur de l’aube avait fait place, sur la cime des montagnes, aux teintes vermeilles de l’aurore ; les vapeurs grisâtres, qui avaient longtemps estompé chaque trait du paysage, disparaissaient, emportées par le souffle du matin ou se repliaient devant la lumière ; enfin le soleil à son lever nous trouva, suivant la promesse de notre hôte, accoudés aux débris d’un signal trigonométrique élevé aux sommets du puy de la Poche par les officiers de la carte de France. Une heure plus tard, arrêtés sur un contre fort du puy de Bellecombe, nous voyons sortir de toutes les concavités qui sillonnent le cirque de Mandailles et des profondeurs de la forêt de Rombières, les eaux mères de la Jordanne.


Accident en vue du Plomb du cantal. — Dessin de Lancelot d’après l’album de M. Henri de Lanoye.

« … Ces cours d’eau tombent bruyamment de cascade en cascade, découpant en tous sens le sol et formant un labyrinthe sans fin de vallons pleins de fraîcheur, de verdure et d’ombrage. Le frêne, le hêtre, le tilleul, l’ormeau, le sycomore, le sorbier, le coudrier, l’aulne, l’érable, le troëne et beaucoup d’autres arbres ou arbustes prospèrent sur toutes les pentes, s’élancent de tous les rochers et les couvrent de touffes épaisses. Encadrées par ces rideaux de feuillage, ondoyant dans les plis des vallons, enveloppant tous les monticules inférieurs, des prairies couvertes d’une herbe abondante et vigoureuse, dessinent de toute part leurs formes capricieuses ; çà et là sur ce fond ondulé se détache un gracieux bouquet d’arbres, un rocher pittoresque, un hameau romantiquement placé, brillant de vie et de couleur, et jetant comme un sourire à l’abîme, où sous ses pieds, le flot se brise avec une sorte de fureur sauvage. Rien de plus varié que la flore de cette riante contrée. On dirait un archipel de fleurs, émaillé d’orchidées pourpres, blanches ou roses, de campanules, d’asphodèles, de gentianes, de renoncules, de narcisses, de balsamines, de luzules, tandis que l’arnica-montana fait briller son grand disque d’or sur les bruyères des sommets, que l’airelle-myrtille y cache ses fruits, que la fraise rougit les bords mousseux des forêts et que l’aconit balance sa tige grande et svelte sur le torrent.

« Faites maintenant surgir au bord méridional de cet amphithéâtre colossal, de gigantesques rochers qui, s’élançant perpendiculairement du sein des bois jusqu’à la cime des monts, avancent leurs fronts sourcilleux ou semblent projeter de sombres draperies sur l’abîme ; cherchez au nord les crêtes dures et âpres de Chavaroche, se profilant sur l’azur des cieux, et laissant descendre vers les premières zones de la culture, des


    successivement par jour, afin d’engraisser peu à peu les diverses portions de la fumade. Dans les montagnes froides, une partie des claies est garnie de palissades, pour abriter les bestiaux contre la force du vent, le fouet de la grêle, ou la violence de la pluie. (H. Durif. Guide historique, archéologique, etc., dans le Cantal.

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