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scènes naturelles de même ordre visitées par nous peu après, était, m’objectera-t-on peut-être, le résultat passager de la sécheresse presque sans exemple qui tarissait alors la plupart des cours d’eau du Cantal, et dont son origine sur le revers le mieux abrité du Puy Violent, la masse la plus spongieuse de tout le groupe, le garantissait tout particulièrement. J’admettrais volontiers cette explication, si je pouvais rattacher à la même cause le charme fascinateur qui après bien des jours, bien des mois écoulés, fait revivre dans ma mémoire tous les détails du tableau ; mais non, je puis l’attester, ce charme réside surtout dans l’ensemble harmonieux du paysage parcouru, avivé par le torrent et d’où s’exhale tout ce que possèdent de plus attrayant, la grâce souriante de la vallée, l’ombre sauvage des couverts, vierges des pas de l’homme, et la solennité de hautes cimes.


Torrent et cascade (Rive gauche de la Maronne) près Saint-Paul. — Dessin de Lancelot d’après l’album de M. Henri de Lanoye.

J’ai oublié de noter que la route suivie par nous est si étroite que lorsque deux véhicules quelconques s’y rencontrent, il faut de toute, nécessité que l’un d’eux se dévoue et se range en dehors de la voie, dans quelque anfractuosité de la paroi de gauche, ou sur une saillie de l’arête de droite, au risque d’être broyé sur place dans le premier cas, ou, dans le second, de rouler en lambeaux, bêtes et gens, à quelques centaines de pieds plus bas. À huit ou neuf kilomètres de Salers, le chemin cesse enfin de pendre sur un abîme ; il se détourne peu à peu de la concavité où sourdent les eaux-mères de la Maronne, et franchissant, à treize cents mètres environ de hauteur, le col étroit qui rattache le plateau de Salers au nœud des cimes cantaliennes, il nous transporte sans transition en pleine forêt, sur le versant nord de la vallée du Mars ou de la rivière creuse, comme l’appellent