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entre deux continents, je la voyais presque sous mes pieds s’élancer de la terre, j’en entendais le souffle caverneux, comparable à la respiration d’un monstre ; j’y distinguais parfois une lueur rougeâtre provenant de la réverbération des laves bouillonnant dans les profondeurs !

J’employai plus d’une heure et demie à faire le tour du cratère, qui pourtant n’a guère qu’un kilomètre de circonférence, et qui le cède de beaucoup en grandeur à celui de l’île éolienne de Volcano ; mais je ne pouvais me lasser de la vue du gouffre et de l’étonnant contraste que présentaient les abruptes parois du cratère, rayées de rouge et de jaune d’or, et les plaines verdoyantes déployées autour de la montagne. Du reste, aucun danger dans cette exploration. Le pas le plus difficile à franchir était la corne septentrionale, où de nombreuses fumerolles d’une haute température avaient fracturé le sol et réduit les scories en une sorte de bouillie chaude et gluante.

Les progrès du soleil nous avertissaient qu’il fallait songer à une prompte retraite. Suivi de mon compagnon boiteux, je descendis en courant la butte suprême du volcan ; mais, à la base de ce cône, notre marche se ralentit bientôt, car nos pieds s’enfonçaient dans la neige ramollie par les rayons solaires. Au-dessus de la maison des Anglais, le brouillard nous


Cratère du Frumento. Dessin de Camille Saglio d’après une photographie de M. Paul Berthier.


surprit, et je dus modestement me ranger derrière le guide, auquel j’avais recommandé de me conduire dans l’une des villes qui se trouvent au pied de la montagne, du côté de l’occident. Lorsque nous sortîmes enfin du nuage qui rampait sur les pentes, nous avions déjà dépassé les champs de neige et nous traversions obliquement des bancs de scories et des lits de sable noir ou se perdaient goutte à goutte les filets d’eau descendus des névés supérieurs. La vallée du Simeto, que j'avais contemplée du haut de l’Etna, m’apparaissait d’une manière beaucoup plus complète, et j’en distinguais nettement toutes les villes, tous les hameaux, toutes les maisons isolées. La rivière, parfaitement immobile en apparence, déroulait ses anneaux bleuâtres autour des péninsules de la plaine. À gauche, je voyais se profiler ces beaux cônes d’éruption, en partie boisés, le Minardo, le Peluso, qui se dressent à mi-hauteur sur les flancs de l’Etna, et rompent si vigoureusement par leurs lignes hardies l’uniforme déclivité de la montagne. Malheureusement, les bûcherons sont à l’œuvre sur ce versant du mont, et dans quelques années les pentes qui regardent l’occident seront aussi nues que le sont aujourd’hui les déclivités méridionales.

J’aurais désiré prendre le sentier qui descend directement à la ville d’Aderno ; mais le guide avait peut-être ses raisons pour me faire suivre une autre route,