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La plupart des étrangers se bornent à gravir l’une des deux montagnes jumelles qui s’élèvent au nord-ouest du village et que l’on désigne par le nom de Monti-Rossi, à cause de l’apparence rougeâtre de leurs scories. Ces amas de cendres, hauts de plus de 200 mètres au-dessus du sol environnant, ont jailli des flancs de l’Etna lors de la célèbre éruption de 1669, et de leur base s’écoula vers Catane ce terrible fleuve de lave qui détruisit quatorze villes et villages habités par plus de vingt-cinq mille personnes. À l’issue de l’énorme source, le courant s’étala largement sur un espace de plusieurs kilomètres, et descendit avec une majestueuse lenteur en noyant les campagnes et les maisons sous des vagues de feu. Le cône boisé du Monpilieri, qui s’élève au sud des Monti-Rossi, fut lui-même entouré comme une île par cette mer incandescente ; et ses roches, en partie fondues, en partie écrasées sous le poids des laves accumulées, durent livrer un passage à la masse liquide. Après avoir transpercé cette colline, le courant se divisa en trois branches principales, dont l’une, se recourbant au sud-est, marcha sur Catane, rasa une partie de la ville, et jeta dans la mer un promontoire de près d’un kilomètre, à la place de l’ancien port. En moins de deux mois, une masse d’un milliard de mètres cubes de laves était sortie du sein de la montagne pour s’étendre en horrible désert


Base des cratères du Frumento. - Dessin de Camille Saglio d’après une photographie de M. Paul Berthier.


sur des champs d’une admirable fertilité. De nos jours encore, on peut, en gravissant l’un des deux Monti-Rossi, suivre du regard, sur presque tout son parcours, le fleuve de pierre fondue qui s’épancha dans la plaine : seulement, le vert des cultures empiète çà et là, sur les bords de la grande coulée. Quant au cratère qui s’ouvre entre les deux monticules, et qui vomit pendant l’éruption un prodigieux amas de cendres sur toute la contrée, il est transformé aujourd’hui en un vallon, dont les pentes, gracieusement recourbées, enferment un petitbosquet de genêts.

Immédiatement avant le terrible cataclysme, le flanc de l’Etna s’était fendu sur une longueur de près de 20 kilomètres, depuis le plateau supérieur de la montagne jusqu’au-dessous de Nicolosi. Cette fissure est comblée dans presque toute son étendue ; cependant on voit encore une quinzaine de trous, plus ou moins profonds, disposés en ligne sur la pente du volcan et qui sont évidemment des restes de la grande crevasse de 1669. La plus importante, appelée fossa della Palomba, n’est pas très-éloignée de la base septentrionale des Monti-Rossi. C’est un entonnoir d’une vingtaine de mètres de profondeur, communiquant par un étroit couloir avec une espèce de puits, au fond duquel s’ouvre une galerie qui se prolonge de corridor en corridor jusqu’à plusieurs centaines de mètres de distance. Accompagné d’un ga-