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et de tous les couvents, la foule délirante éclate en cris de joie. Du reste, les citoyens de Messine pourraient-ils faire moins pour la Vierge, qui leur envoya jadis une boucle de ses cheveux, ainsi qu’une lettre autographe, les assurant à jamais de sa protection spéciale ?

Les Messinois ont un grand patriotisme local et mettent une passion jalouse à défendre leur ville, même lorsqu’il leur faut pour cela changer de maîtres. Ce sont eux qui, pour se débarrasser des Sarrasins, introduisirent les Normands en Sicile vers la fin du onzième siècle, et qui, près de six cents ans plus tard, firent appel aux Français pour se défaire des Espagnols. Durant les siéges qu’eut à subir Messine, les habitants se sont toujours défendus jusqu’à la dernière extrémité, et les femmes elles-mêmes, ainsi que le dit un vieux chant de guerre, ont travaillé à la défense commune avec autant d’énergie que leurs maris et leurs frères :

Deh ! com’egli è gran’pietate
Delle donne di Messina,
Veggendole scapigliate
Portando pietre e calcina !
Iddio gli dea briga e travaglia
A chi Messina vuol guastare[1] !

En 1848, lorsque les soldats napolitains furent chassés de la ville et des forts supérieurs, les Messinoises


Cap d’Alessio (avant le percement du tunnel). — Dessin de Saglio.


aidèrent les insurgés à prendre d’assaut le château Gonzague, transformer en boulets les statues de bronze des Bourbons, à répondre du haut des collines au canon de la citadelle. Quant à ce dernier ouvrage, armé de cent pièces d’artillerie, la valeur des Messinois ne pouvait que se heurter en vain contre les murs ; car il occupe une position presque insulaire sur l’étroite, pointe de galets qui sépare le port de la haute mer, et pour s’en emparer il aurait fallu nécessairement en faire le siège par terre et par eau. La citadelle resta donc au pouvoir des Napolitains, et ceux-ci purent à leur aise bombarder une partie de la ville. Ils démolirent à coups de boulets les maisons qui s’élevaient sur la place de Terra Nova, non loin de l’endroit où s’élève aujourd’hui la gare du chemin de fer, et s’attaquèrent même aux palais de la cité et aux édifices d’utilité publique. Le musée, qui occupe plusieurs galeries de l’Université, servit de cible aux projectiles, et le cicerone montre aux visiteurs, avec une sorte de fierté patriotique, des toiles déchirées par les bombes napolitaines. En 1861, la garnison de la citadelle épargna la ville ; mais il semble que les propriétaires de Messine durent se trouver pendant quelque temps sous le coup de la ter-

  1. Las ! comme c’est grand’pitié de voir les dames de Messine,
    échevelées, portant des pierres et de la chaux ! Ah ! que Dieu donne peine et travail à qui veut faire tort à Messine !