Page:Le Tour du monde - 13.djvu/364

Cette page n’a pas encore été corrigée


longeons la plage, nous passons à travers deux ou trois promontoires de rochers, et nous pénétrons brutalement par la brèche du rempart dans une ville du moyen âge, aux grandes tours crénelées. C’est la Trabbia, dernière station du chemin de fer en 1865.

Quelques omnibus recueillent les voyageurs pour les emmener à Termini, mais ce petit voyage de 4 kilomètres se complique du passage d’une rivière. Les eaux du San Leonardo coulent en travers de la route, et les voitures vont, les unes après les autres, se laver de leur poussière et faire provision de boue en plongeant dans les fondrières du torrent. Il est vrai qu’un pont monumental arrondit sa grande arcade au-dessus du San Leonardo, immédiatement en amont du gué ; mais, par une convention tacite, les postillons et les charretiers siciliens dédaignent de passer sur le pont, tant qu’il n’y a pas danger de mort à franchir le torrent débordé. D’ailleurs, le gouverneur castillan qui fit construire cette arcade il y a plus d’un siècle, semble avoir tenu beaucoup plus à la dresser comme un arc de triomphe en l’honneur de son maître Charles III, qu’à la rendre utile au passage des voyageurs. Les deux rampes d’accès sont très-escarpées et se recourbent brusquement à angle droit de chaque côté du pont, de sorte que les chevaux ne peuvent, sans une grande fatigue, escalader le monument. Mais en revanche, le pont est décoré de bas-reliefs allégoriques et chargé d’inscriptions qui célèbrent en un langage pompeux la grandeur de l’Espagne et la majesté de son roi. D’après le proverbe, ce pont qui ne sert pas serait pourtant la seule construction de ce genre qui vaille la peine d’être citée dans l’île’: « Un monte, un fonte, un ponte. » L’Etna, la fontaine d’Aréthuse, le pont du San Leonardo, telles sont les trois merveilles de la Sicile.

L’importante ville de Termini, où l’on monte après avoir traversé le torrent, est située sur une haute terrasse


La Favorita. — Dessin de H. Clerget d’après une photographie de MM. Sommer et Behles.


coupée à pic du côté de la mer et reliée par un isthme verdoyant à la superbe montagne de San Calogero. Sur le bord de la Méditerranée, si riche pourtant en paysages magnifiques, il n’en est peut-être pas un seul qui dépasse en grâce et en majesté celui de Termini, si bien nommée la splendidissima. Le mont San Calogero, comparable à un cône volcanique par la pureté de ses formes, s’élève d’un jet du rivage de la mer jusqu’à 800 mètres de hauteur et se termine par une crête en dents de scie qui ressemble au rebord d’un cratère ébréché. Chacune des indentations est l’origine d’un profond ravin où s’écroulent en hiver les avalanches de neige, où se précipitent pendant les autres saisons les averses de pluie et les débris entraînés. Toute la montagne est ainsi rayée de sillons blanchâtres disposés en forme d’éventail, et séparés les uns les autres par des contre-forts herbeux ; mais sur les pentes inférieures du mont tous les plis et les replis du sol sont uniformément cachés par l’épaisse végétation des oliviers.

Une charmante baie, qui sert de port à des centaines de barques et à quelques grands navires, développe sa gracieuse rondeur entre la terrasse de Termini et la base du San Calogero ; tout autour de ce golfe, la ville s’épanche sur les escarpements comme un éboulis de pierres et de tuiles. Jadis, pour mieux jouir de la vue ravissante de la mer et des monts, les Grecs avaient construit sur la terrasse un théâtre dont on s’occupe maintenant d’exhumer les ruines. Moins soucieux des jouissances de l’art, les Bourbons élevèrent une forteresse à l’extrémité du promontoire ; mais en 1860, lors de la prise de Palerme par les garibaldiens, la population de Termini s’insurgea et démolit les murailles qui menaçaient la ville. Ce qui reste des forts ne sert qu’à former un détail pittoresque dans l’ensemble du paysage.

Dans la partie inférieure de la cité, non loin de la