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pierre, si de ces formes immobiles, de ces faces grimaçantes et féroces, ne jaillissait un regard étincelant qui vous suit et vous glace !

Les autres établissements publics de Palerme, hospices, écoles ou colléges, ne peuvent guère attirer la curiosité des visiteurs étrangers ; mais parmi les monuments proprement dits, il en est plusieurs des époques sarrasine et normande qui offrent le plus grand intérêt. Tels sont les restes des palais mauresques de la Cuba et de la Ziza qu’ont ensuite restaurés et gâtés les princes normands et les seigneurs espagnols ou napolitains. Telle est aussi la cathédrale qu’un archevêque, Anglais de naissance, Walter of the Mill, fit construire à la fin du douzième siècle, et qui, depuis cette époque, n’a cessé d’être rebâtie partiellement, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Sur cet entassement de murailles de styles différents s’arrondit une coupole moderne de mauvais goût ; aussi faut-il se hâter d’examiner les détails d’architecture pour échapper à l’impression que produit la médiocrité de l’ensemble. La façade occidentale est de beaucoup la plus belle portion de l’édifice. Réunie à la tour du beffroi par deux arcades ogivales qui passent au-dessus de la rue à vingt mètres de hauteur, cette façade est elle-même surmontée de deux tours semblables à des minarets tronqués. Les trois portes gothiques, aux parements de marbre jaunis par le soleil, sont décorées de sculptures merveilleuses de fini représentant des feuilles d’acanthe et des branches entrelacées. Parmi les plus célèbres édifices religieux du moyen âge, il en est peu dont l’ornementation soit à la fois plus riche et plus gracieuse.

Palerme n’a pas moins de deux cents églises ou chapelles. De tous ces édifices religieux, le plus remarquable est, sans contredit, la Capella Palatina, située dans le palais royal, bizarre assemblage de constructions sans ordre et sans goût. Un grand drapeau flotte sur le porche, des sentinelles marchent d’un pas régulier sur le pavé de la place et dans les corridors ; mais, indifférent à tout cet appareil militaire, l’étranger peut fort bien, sans s’inquiéter du moindre qui vive, pénétrer dans les salles, parcourir les galeries, errer de cour en cour et de la cave au grenier. En accomplissant ainsi son voyage d’exploration dans le palais, le visiteur ne peut manquer de découvrir le charmant oratoire connu sous le nom de chapelle Palatine.

La galerie d’accès est tapissée de mauvaises fresques et d’autres prétendues œuvres d’art qui ne permettent guère de se figurer la splendeur de la salle dans laquelle on va pénétrer. La porte elle-même est décorée de ridicules bas-reliefs en marbre blanc représentant des cérémonies royales où des généraux et des laquais font de magnifiques effets de chapeaux à claque, d’habits à la française et de faux mollets. Mais que l’on fasse un pas de plus et l’on se trouve dans un vaisseau de proportions admirables et d’une richesse éblouissante. La chapelle Palatine, monument tout à fait unique dans son genre, réunit à la fois, par une combinaison des plus harmonieuses, les diverses beautés de l’art byzantin, de l’art mauresque et du roman. La petite chapelle, longue de vingt-six mètres à peine, est une église complète, avec sa nef, ses bas côtés, son chœur, ses trois absides Des colonnes de granit ou de marbre, surmontées de chapiteaux diversement sculptés, soutiennent une voûte multicolore que hérissent de nombreux pendentifs semblables à ceux de lAlhambra. Jusqu’à hauteur d appui, les murs sont couverts de petits cubes de marbre et de porphyre entremêles en arabesques d’une étonnante variété de dessins. Au-dessus, tout le pourtour de l’enceinte n’est qu’une vaste mosaïque représentant, en figures un peu roides et grossièrement exécutées, mais nobles et pleines de sentiment, les principales scènes de l’histoire juive et chrétienne. Le chœur est élevé de plusieurs marches au-dessus de la nef. Une haute coupole, percée de fenêtres étroites, laisse tomber sur le pavé de marbre une faible lumière dont le reflet va se perdre sous les sombres arcades. Parfois un rayon de soleil, porté pour ainsi dire sur des vapeurs d’encens, plonge obliquement dans l’intérieur de la chapelle, et de son pinceau lumineux, qui passe avec lenteur sur les murailles, révèle successivement les groupes de mosaïque,