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rien à craindre, qu’il était lavé pour le serpent. Il se faisait un collier avec le corail, quand celui-ci le mordit au cou et à la lèvre. Une heure après, le nègre était mort.

En regard de ce fait qu’il semblerait prouver l’impuissance de l’inoculation, j’en citerai un autre tout contraire.

Tout le monde a connu à Cayenne un individu qui se disait également lavé pour le serpent, et qui convainquit les plus incrédules, en prouvant maintes fois son invulnérabilité. Il faisait sa société habituelle des reptiles les plus venimeux et en avait toujours dans sa case. Cette particularité était sue de tous, et quand il s’absentait, il dédaignait de fermer sa porte à clef, bien certain que les voleurs respecteraient son domicile.

Il donna un jour une séance publique dans la rue du Port. Pour la somme de cent francs que rassemblèrent les assistants, il se fit mordre en divers endroits du corps par un serpent des plus redoutables, et n’éprouva aucune incommodité à la suite de ses blessures.

De tout cela que croire ?

Pensar, dudar. Penser, douter — et éviter soigneusement les serpents ; c’est le plus sûr.


Districts méridionaux de la Guyane. — L’Oyapock et ses bords.

Après la rivière de Cayenne et le Mahury, se trouve la rivière de Kaw, bordée de sites pittoresques dont la cascade du Rorota, en l’île de Cayenne (voy. p. 329), donne seule une idée. Excellent pour l’agriculture, le quartier de Kaw est fort malsain.

Vient ensuite l’Approuague, qui occupe le numéro trois dans les cours d’eau du pays comme largeur et comme étendue. Elle est accessible pendant une vingtaine de milles à des navires tels que l’Alecton. L’Approuague


Habitations sur le canal Laussat. — Dessin de Riou d’après une photographie.


a acquis une certaine importance depuis d’exploitation des terrains aurifères. La compagnie dite de l’Approuague a obtenu du gouvernement une concession de deux cent mille hectares.

Cette monopolisation de la recherche de l’or a été, à mon avis, fatale au pays. La liberté accordée à tout chercheur d’or aurait attiré une plus grande quantité de travailleurs qui, déçus peut-être dans une poursuite peu lucrative, auraient tourné leur activité vers l’agriculture et prêté leurs bras à des industries qui chôment. Les quelques usines qui subsistent encore auraient reçu une vie nouvelle, tandis qu’elles agonisent et s’épuisent dans un suprême effort.

L’exploitation des placers a-t-elle fait la fortune d’une compagnie si généreusement dotée par le gouvernement ? c’est une question qu’il faut poser aux actionnaires. L’or existe à la Guyane, nul n’osera le contester, et on vient d’envoyer en France un échantillon du poids de trois cent-soixante grammes, valeur mille quatre-vingts francs, devant lequel l’incrédulité de saint Thomas lui-même s’avouerait vaincue.

Le précieux minerai s’obtient le plus généralement par le lavage de terrains boueux et se récolte par pépites de petite dimension. Y en a-t-il une quantité suffisante pour défrayer une grande entreprise, faire face aux dépenses, payer les gros administrateurs, solder les travailleurs et distribuer de beaux dividendes aux ayants droit ? Je me hasarderai encore moins à répondre à cette demande aujourd’hui que l’opération semble recevoir une impulsion nouvelle.

Les habitations, le Collége, Saint-Perey, la Jamaïque, sises sur les bords de la rivière, le village de Guizanbourg, bâti au confluent de l’Approuague et du Courrouaï, les habitations, la Garonne et Ramponneau dans le Courrouaï, réunissent quelques centaines de personnes et constituent toute la population fixe du quartier. Quant aux chercheurs d’or, composé hétérogène de gens de toute nation, ils finiront par former sur le vaste terri-