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Rivière de Tonnégrande, près Cayenne. — Dessin de Riou d’après une aquarelle de M. Touboulic, capitaine de frégate.


VOYAGE DANS LA GUYANE FRANÇAISE,


PAR M. FRÉDÉRIC BOUYER, CAPITAINE DE FRÉGATE[1].


1862-1863. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Menus propos de chasse et d’histoire naturelle.

L’île de Cayenne était autrefois infestée d’une énorme quantité de ces grands chats mouchetés auxquels les colons, européens de toute l’Amérique, en dépit de la science, s’obstinent à conserver la qualification de tigres ; le nom de Montagne-Tigre, donné à un des sommets de l’île, s’accorde avec les récits des écrivains pour certifier le fait. En 1666, c’était un véritable fléau. Les pseudo-tigres traversaient à la nage l’étroit cours d’eau qui sépare l’île de la grande terre et venaient enlever les bestiaux jusque dans les étables. Il est probable qu’ils s’attaquaient également aux négrillons isolés qu’ils rencontraient sur leur route.

Les déprédations de ces pirates de savane devinrent telles que M. de la Barre fut obligé d’établir une prime assez forte par tête de jaguar. L’appât du gain, joint au besoin de la défense personnelle, engagea les colons à faire à ces bêtes fauves une guerre d’extermination. On finit par les éloigner des habitations ou du moins à inspirer à ces maraudeurs endiablés un plus grand respect pour la propriété.

Si les jaguars ne sont pas aussi redoutables qu’à l’origine de la colonie, les propriétaires des plantations comme ceux des ménageries savent encore ce qu’il en coûte pour les nourrir. Lors de la création du pénitencier de la Comté, on fit la demande en France de quarante chiens des Pyrénées pour défendre les troupeaux contre les tigres. Les chiens furent ponctuellement envoyés à la Guyane et il en reste encore quelques-uns chez les

  1. Suite. — Voy. pages 278, 287 et 305.